Le Mystérieux Génie Urbain sauvera le monde
Si l’on en croît le grand professeur Paul N. Edwards de l’Université du Michigan, dans son excellent article Infrastructure & Modernity : Force, Time and Social Organization in the History of Sociotechnical Systems, nous sommes à l’aube d’un renversement spectaculaire des relations entre les infrastructures urbaines et le milieu naturel :
« Mature technological systems – cars, roads, municipal water supplies, sewers, telephones, railroads, weather forecasting, buildings, even computers in the majority of their uses – reside in a naturalized background, as ordinary and unremarkable to us as trees, daylight, and dirt. Our civilizations fundamentally depend on them, yet we notice them mainly when they fail, wich they rarely do. They are the connective tissues and the circulatory systems of modernity. In short, these systems have become infrastructures. »
Conscient de ce bouleversement, le Génie Urbain s’intéresse de près aux interactions des systèmes socio-techniques de la ville et considère les infrastructures comme des éléments déterminants de la durabilité d’un territoire. Ce mystérieux domaine d’étude pourrait changer bien nos méthodes traditionnelles de planification urbaine. Mystérieux car personne ne sait vraiment comment le définir. Qui est-il ?
Une autre vision des phénomènes urbains
Définir le génie urbain sans le cataloguer comme un fourre-tout est délicat, parce qu’en réalité c’est un fourre-tout. D’ailleurs, c’est ce qui le rend si mystérieux. D’une façon plus académique, nous pourrions plutôt parler de « vision holistique des phénomènes urbains« . Autrement dit, c’est une représentation à plusieurs échelles de la ville, qui considère les divers aspects de la vie sociale et infrastructures comme formant un ensemble solidaire, dont les parties ne peuvent se comprendre que par le tout, qui leur donne leur signification.
Ainsi, en proposant une autre vision des dysfonctionnements des villes, le génie urbain conceptualise un territoire tel un ecosystème, incluant de nombreuses variables inter-dépendantes les unes aux autres. Ces dernières sont l’eau, l’air, l’alimentation, l’énergie, les matériaux, la biodiversité, les déplacements et les déchets. A l’instar d’un métabolisme urbain classique, cette approche vise à développer des stratégies et des modèles de management afin de concevoir un projet urbain dans tous ces états et bien sûr, de façon durable – aux sens écologique, technique et social du terme et moins économique et politique.
Ainsi, au 21e siècle, l’Homme a pris conscience que l’économie était dépendante, au même titre que la stabilité politique et sociale d’un pays, de sa stabilité climatique et environnementale. Les réseaux urbains deviennent alors les icônes de l’urbanisme contemporain. On assiste à la prééminence des systèmes bio-physiques à la base des équipements techniques des infrastructures modernes. Si hier, les pays industrialisés étaient forcés de contaminer ou détruire l’environnement au service de l’économie, aujourd’hui l’équation est renversée. Finalement, l’écologie urbaine, c’est tout un business.
Le monde en parle
Parmi les bons prêcheurs on retient le fantastique blog américain PRUNED, espagnol Urban Social Design Experience (USDE) et italo-anglo-franco-espagnol Immaginoteca (véritables stimulateurs d’idées, à l’instar du blog français des Ateliers Transit-City).
Et puis il y a l’Agence Babylone qui, à travers un concept intéressant de « Nature Active » en ville, résume (de façon idéalisée) les valeurs du Génie Urbain.
« Le concept de «Nature Active» s’articule autour de l’idée que la formidable capacité productive de la nature, est en mesure de répondre à tous les besoins de la ville et de ses habitants : l’eau, l’air, l’alimentation, l’énergie, les matériaux, la biodiversité… chacun de ces besoins peut être géré de façon peu on pas polluante grâce à des techniques naturelles simples, dont les capacités, additionnées et réorganisées, sont décuplées. »
Et parmi d’autres bons élèves de l’écologie urbaine, outre les habituels « opérations vitrines » de BedZed, Fribourg, Hammarby Sjöstad, Eva-Lanxmeer et Masdar, on retient les agences espagnoles Ecosistema Urbano, Barcelona Urban Ecology Agency, Paisajes Emergentes, ou bien françaises Composante Urbaine, Villes et Paysages, Agence 2DKS, ou encore Iranienne à travers la surprenante Ayala Water & Ecology et bien sûr les agences néerlandaise WEST8 et danoise Bjarke Ingels Group qui intègrent totalement leurs projets à une échelle plus large que celle du quartier. Regardez plutôt :
Ainsi soit-il, le Mystérieux Génie Urbain pourrait bien sauver le monde, et nous en ferons partie !
8 Commentaires
C’est avec des articles comme ça que je me dit que la formation Génie Urbain à de l’avenir. Je suis moi-même étudiant dans ce master à la fac de Marne-la-Vallée (spécialité Développement Urbain Durable) et j’ai encore plein de choses à découvrir tellement ce domaine est vaste et complet.
que des chouettes projets…. d’architectes ou de paysagistes !
j’ai travaillé dans les années 90 avec l’INGUL à Lyon sur l’évolution des compétences en matière de génie urbain, un projet de mastère (INSA, ENTPE, Mines de St Etienne, IUG …) et un tentative malheureusement inaboutie de définition et mise en place d’un programme régional de formation en Génie Urbain avec ces mêmes institutions. Je continue à être interêssé par cette approche. Cordialement Jean KLoppenburg