La Fabrique à Mythes – Ricardo Bofill
Il paraît que travailler chez Bofill, c’est avoir affaire à une légende…
Ricardo Bofill, fils de l’architecte Guillem Bofill naît à la fin des années 1930 à Barcelone. Il grandit sous l’influence de la culture méditerranéenne au sens large. Sa mère est vénitienne, son père est catalan. Un trait de caractère déjà prononcé. Ricardo Bofill entreprend les études d’architecte aux milieux des années 1950 à Barcelone. Il sera plus tard expulsé de l’école pour son engagement politique. Sous la dictature de Franco, les esprits contradictoires étaient bannis. Il se réfugie alors vers l’école suisse de Genève. Là, il s’essaie à l’enseignement à l’université de la ville.
En 1963, il fonde le « Taller de Arquitectura ». Composé d’une équipe pluridisciplinaire, l’atelier d’architecture se distingue par la liberté formelle de conception des projets. Résolument post-moderne, Bofill, dans la démesure, l’exception, la décadence, propose une architecture populaire. Jouer des codes, des symboles et du sens de l’élément architectural, c’est jouer le jeu de l’artefact contemporain. A l’instar de Robert Venturi, architecte auteur emblématique du mouvement post-moderne avec « De l’ambiguïté en architecture », Bofill porte le sens et la culture du lieu au rang de pilier de l’architecture. Grand voyageur, il se nourrit des expériences et des rencontres qui affirmeront son désir de liberté et d’indépendance dans la conception.
1973. San Just, Barcelone, Espagne. L’écueil de la modernité. Une vieille cimenterie datant du début du siècle croule du temps qui passe.
La cimenterie Samson a été construite dans les années 1920. Pionnière dans les techniques modernes d’industrialisation, la fabrique est le modèle de référence dans la production de ciment. Le fils du Roi Alphonse et le dictateur Primo de Rivera saluent alors la productivité élevée et la modernité de cette infrastructure. Au fil des années, le quartier Saint Just s’agrandit et englobe le site. Le bruit, la poussière, l’odeur… L’activité industrielle gène. En 1968, la production se délocalise, laissant en friche la grande bâtisse.
L’avant-garde. Ricardo Bofill défit les principes.
La grande machine de la modernité est réduite au néant. Le déclin d’un rêve industriel comme le déclin d’une modernité passée. La richesse est partie. En 1970, l’audace d’un Ricardo Bofill permet de faire revivre la fabrique. Elle renaît de ces cendres, dirait-on. Désossée, hachée, parfois tricotée, la fabrique accueillera l’agence d’architecture. Étonnant endroit pour agence. Précurseur de la « mode industrielle » ou chercheur de mythes ?
La légende. Le siège de « Taller de Arquitectura » sera cette fabrique.
Les silos, les galeries souterraines, les immenses salles des machines, les escaliers vers nulle part, les structures lourdes et suspendues, les morceaux de fer aériens, toutes ces étrangetés font la magie des espaces. De l’empire industriel naît le royaume de l’architecte. Une traduction symbolique d’une modernité déchue. Tel un château fort, les silos deviennent des tours, les structures se transforment en remparts, la cheminée fonde le donjon. Et le roi ? L’emprunt des éléments d’architecture médiévale (fenêtres géminées, arcs romans) appuie l’imaginaire surréaliste. Deux ans plus tard, l’agence s’installe. Le grand volume des machines se transforme en cathédrale pouvant accueillir des expositions, des concerts et toutes sortes d’activités culturelles. Des bureaux, un laboratoire de maquettes, des archives, une bibliothèque et une salle de projection se partagent les huit silos restant. Le château est caché par moment. Les allées de cyprès sillonnent les remparts, les fleurs recouvrent les toits et les arbres sortent des murs. Cette étrangeté naît de l’ambiguïté. Mais l’ambiguïté n’est-elle pas la condition de la post-modernité ?
Y aller : Industria Avenida 12. San Justo 08960. Barcelona
Sources : Ricardo Bofill (site officiel) / Patrimonio Industrial Arquitectonico
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