Fontaine de la montée du Chemin Neuf
Cette fontaine-cascade a été inaugurée en 1963 par Louis Pradel, alors maire de Lyon, et est alimentée par les eaux de drainages de la colline de Fourvière.
Et pourtant, en 1930, à la place de cette cascade, il y avait des maisons.
Plus tard, on appellerait cet endroit « les démols », c’est-à-dire « les démolitions ». Il y avait un grand mur qui soutenait le terrain et des friches avec des fleurs qui poussent dans la pente.
Petite, Renée Nauche adorait y jouer : « on trouvait des tibias, toutes sortes de choses dans les démols, mais ça ne nous impressionnait pas beaucoup« .
Mais il y a aussi ceux, comme Danielle Laliche, qui ont peur de l’escalier à jour, « je n’y montais qu’avec mon père, sinon j’avais peur de ce vide sous mes pieds« .
Quelques temps avant l’éboulement, un ingénieur signale à plusieurs reprises des infiltrations d’eau douteuses dans la colline sans qu’aucune suite ne soit donnée à son inquiétude.
Le 13 novembre 1930, à 1h05 du matin, l’alerte est donnée : la colline est en train de s’effondrer.
Un premier éboulement se produit et pendant qu’on essaie de dégager des personnes enfouies, un second a lieu à 1h50 du matin. « J’ai encore le bruit dans la tête, on voyait les maisons qui descendaient. J’ai la chair de poule encore aujourd’hui, quand j’en parle« .
Les habitants du quartier, affolés, se réfugient sous les voutes de la cathédrale que le clergé a fait ouvrir de toute urgence et certains traversent même la Saône, pour mettre le plus de distance possible entre eux et la colline.
De nombreux témoignages montrent encore aujourd’hui le souvenir vivace de la peur extrême ressentie à l’époque :
A l’époque de l’éboulement, je logeais ma carriole à l’hôtel du Petit Versailles, qui possédait des chevaux et une calèche rue de la Bombarde,
- on me dit : « On ne passe pas« .
- Je dis : « Je viens chercher ma carriole pour aller au marché« .
- On me répond : « Vous n’avez pas vu ce qu’il y a ?«
- Et moi je dis : « Non, je n’ai rien vu, rien entendu« .
- On me dit : « Pourtant, ça a fait du bruit ».
Mais comme je suis sourd…
Pendant trois semaines, un mois, il y avait encore des camions à chaines Berliet qui montaient la rue de la Bombarde pour déblayer les gravats de là-bas.
J’ai su après que les pompiers étaient arrivés trop tôt ; ils seraient arrivés quelques minutes après seulement, ils seraient tous sauvés.
D’ailleurs, il y a une plaque commémorative placée en bas.
Des bruits couraient que la montée Saint-Barthélémy qui passe juste en haut était toute fendue et que la basilique allait dégringoler ; ma femme n’a pas voulu coucher là. Elle est allée chez mon beau-frère de l’autre coté de la Saône.
Peur qui fait même oublier tous les principes de la bienséance, pourtant très importants en 1930 :
Ma cousine qui était dans un hôtel en face a eu tellement peur qu’elle est partie sans emporter ses bijoux, mais seulement avec sa petite culotte à la main. Et c’est ainsi qu’elle a débarqué chez mes parents !
En tout, on compta 40 morts, dont 19 pompiers et 3 gardiens de la paix ; un monument a été érigé à Loyasse en souvenir des victimes.
Les propriétaires de l’hôtel rue Tramassac ont été sauvés grâce à leur chat mais leur hôtel a été complètement détruit, ainsi que le couvent des Dames de Sion. Il semble que les animaux possèdent un sixième sens pour ce genre de catastrophe naturelle car la veille, tous les pigeons des barbacanes s’étaient sauvés et le cheval du marchand de charbon ne voulait pas rentrer à l’écurie. Un petit garçon nommé Lebel a lui aussi été sauvé parce qu’il courait après son chat qui s’enfuyait. Par contre, tous les chevaux qui étaient restés à l’écurie dans le Chemin Neuf ont été tués.
Beaucoup d’habitants du quartier ont tout perdu dans l’éboulement et un comité de secours présidé par Édouard Herriot se mit rapidement en place pour leur venir en aide.
Cet évènement marqua durablement la population locale et modifia définitivement la configuration du quartier à cet endroit.
En 1933, pour éviter une nouvelle catastrophe, l’hôpital tenu par les religieuses de Chazeaux qui se trouvait sur la colline fut démoli car il risquait de tomber dans le vide et une partie de la rue Tramassac est elle aussi détruite.
Extrait du livre de Cécile Mathias Le Vieux-Lyon : Saint-Georges, Saint-Jean, Saint-Paul au fil du temps, publié en 2004 (Éd. du Mot Passant, Coll. Au fil du temps)
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