20 ans de politiques de stationnement
Le 3 décembre dernier, le CERTU (Centre d’études sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions publiques) a publié un rapport traitant de l’évolution des politiques de stationnement des villes Française, basé sur les enquêtes qu’il a mené tous les 5 ans entre 1985 et 2005.
Je vous propose de vous résumer les grandes tendances observées sur cette période.
La maitrise du stationnement, un levier pour les collectivités
On le sait et l’étude semble le confirmer, la maîtrise des politiques de stationnement (et d’autant plus depuis l’apparition des PDU), est pour les collectivités un moyen de faire varier sensiblement chez l’usager, le choix du mode de transport.
Ainsi, la disponibilité assurée d’un stationnement à destination entraine neuf fois sur dix l’usage de la voiture chez les travailleurs. Inversement, lorsqu’il y a contrainte au stationnement, la part modale de la voiture baisse de 12 à 40%.
Ce contrôle n’est cependant pas évident et est complètement dépendant des spécificités locales, et surtout des alternatives disponibles pour les automobilistes. La problématique n’est donc clairement pas la même dans les grandes villes, où la pression du stationnement est importante, et les villes moyennes, dans lesquelles les transports en commun ne peuvent forcément représenter une alternative viable à la voiture, et dans lesquelles l’assurance de fournir une place aux travailleurs (pendulaires) est déterminante pour assurer une certaine attractivité à la ville.
Au coeur des politiques, trois populations différenciées
Je parlais à l’instant de la pendularité. La compréhension des usages est en effet déterminante pour avoir une politique de stationnement fine. Faisons donc un rapide rappel des trois grands types d’usagers.
On distingue ainsi les pendulaires, venant le matin pour travailler et qui repartent le soir. Leur temps de stationnement est important et ils sont la principale cible des politiques de stationnement en France : on cherche de plus en plus à contraindre leur stationnement, et on attend d’eux un changement de mode de transport (la politique de parcs-relais en est un bon exemple).
Les visiteurs quant à eux viennent en ville pour des durées plus courtes, essentiellement pour avoir accès à un service (magasins, administration…).
Dernièrement, les résidents, ayant tendance à vouloir une place disponible prêt de chez eux, et ce pour des durées importantes, et plus particulièrement la nuit. Visiteurs et résidents la contrainte au stationnement est moins importance, tarifs privilégiés et places réservées cherchent à les fixer, et des alternatives sont recherchées pour des trajets internes à la ville de moins de 3 kilomètres
Un parc de stationnement et des prix en croissance continue
Une tendance générale : le nombre de places gratuites diminue, au profit des places payantes
Ainsi, alors que le prix du stationnement a triplé, le nombre de places payantes a doublé, mais uniquement dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. En dessous, il semble y avoir une stagnation depuis 1995.
Le corollaire de cette augmentation est l’élargissement des zones payantes. Jadis en centre-ville et dédiées à favoriser la rotation des véhicules, elle se sont étendues dans les quartiers péri-centraux, limitant d’autant le nombre de places gratuites.
Est-ce là la manifestation d’une politique volontaire ? Il semble bien, d’autant que depuis 1995, un cap a été franchi dans les tarifs, avec en moyenne un prix horaire de stationnement devenu supérieur à celui d’un ticket de transport en commun (qui ont également augmenté, mais moins vite).
J’évoquais précédemment les tarifs préférentiels; ils vont aussi en se généralisant : on avait en 1985 moins de 10% de villes proposant des tarifs pour les résidents, contre 64% 20 ans plus tard.
De manière générale, les ville semblent d’ailleurs chercher à répondre à des attentes de plus en plus diversifiées (1/3 des villes proposent aujourd’hui une tarification pour les professionnels mobiles alors que cela était « quasi-inexistant » en 1958), rendant d’autant plus difficile la tâche de gestion du stationnement, qui génère des conflits d’usages.
L’alternative des parcs de stationnement : un obstacle au traitement homogène de la question du stationnement
Un autre phénomène rend la politique de stationnement difficile à mener, c’est la présence de nombreux parcs de stationnement. En effet, si le stationnement sur voirie dépend du maire, le stationnement en parc répond d’un service public et commercial : deux fondements juridiques distincts.
De surcroît, à l’instar des places payantes, leur nombre a fortement augmenté sur les 20 années de l’étude, même si on observe un ralentissement net après 1995.
Cette augmentation, si elle était compensée par une baisse du stationnement en voirie, pourrait constituer une contrainte au stationnement; or, les chiffres précédents signifient clairement le contraire. A t’on pour autant une stimulation marquée de l’utilisation de la voiture ?
La question peut se poser avec la forte présence de forfaits intéressants pour les pendulaires (neuf parcs sur dix en proposent), qui trouvent leur origine probable dans la recherche d’amortissement des structures d’accueil : bien que généralement propriété publique, ces parcs répondent en effet à une logique commerciale.
L’étude met cependant en avant des tendances plus satisfaisantes dans les offres proposées par ces parcs (pour rappel, les parcs-relais ne sont pas compris dans cette appellation) : ainsi les tarifications pour les petits véhicules, les deux roues motorisés et les vélos donnent une place aux alternatives à la voiture.
La politique de stationnement et le préjudice des infractions
Le point présenté comme étant un frein véritable à la mise en place des politiques de stationnement est l’inefficacité de la répression couplée aux infractions fréquentes.
Ainsi les usagers payent en 2005 en moyenne 2 heures de stationnement par place et par jour (2.7 en 1985), à mettre en parallèle avec les 6 heures de stationnement que l’on peut escompter pour cette même place. La politique mise en oeuvre est donc à la base inefficace puisque non respectée.
De plus, les agents doivent surveiller en moyenne 20% de places en plus par jour (209 en 2005 contre 174 en 1985), et le prix du PV est de moins en moins pénalisant : le montant de celui-ci étant resté stable (!!) alors que les prix de stationnement triplaient, un PV correspond aujourd’hui à 8 heures de stationnement contre 22h en 1985.
Un constat assez contrasté quant à l’efficacité des politiques de stationnement mises en place
Entre complexification des tarifications, augmentation des prix, absence d’alternative et difficulté (impossibilité) de mettre en place des politiques efficaces, la question du stationnement semble être bien difficile à résoudre. Si certaine villes ont réussi à mieux s’en sortir que d’autres, c’est souvent une question de moyens, de taille et de spécificités topographiques locales. Les villes moyennes ont encore du mal à se passer de la voiture, les alternatives n’existant pas toujours ou ne pouvant être mises en place.
Finalement, avec tous ces chiffres et ces tendances, la seule chose que le document du CERTU ne présente pas, c’est la part d’utilisation de la voiture dans les différents modes de transport, c’est à dire en fait, le seul élément qu’il nous manquait pour juger ou non de l’efficacité réelle des politiques de stationnement.
Crédit photo : Monsieurparking
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