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Réforme des collectivités, Deuxième round

La politique est décidément une cuisine où chacun possède sa propre recette. Après le Puding de Pierre-Yves Collombat qui répondait au Mille-feuille, c’est la crainte de la tarte à la crème qui anime Dominique Voynet et celle de devenir une pâte sèche pour Gérard le Cam. L’alimentation semble d’ailleurs être une préoccupation importante de notre Sénat si on en croit Yves Daudigny qui dénonce l’apparition d’un EGM, élu génétiquement modifié.

Voyons donc ce que nous ont concocté nos élus cette semaine.

Le conseiller territorial, une affaire à suivre

On peut enfin le dire, le conseiller territorial a été dans cette première lecture, adopté. Cependant, malgré des débats longs et acharnés, bien peu de précisions ont filtrées sur le devenir de ce nouvel élu. On dispose certes d’un mode de scrutin suggéré (et contesté) , amené à être modifié, mais les inquiétudes restent grandes, et des contre-sens commencent à apparaitre.

Il est désormais assez évident que la réforme ne pourra tenir ses objectifs en terme de diminution du nombre d’élus. Avec un plafond de 3000 élus (objectif : diviser par deux le nombre d’élus, 6000 actuellement) et un minimum déclaré de 15 conseillers par département, on dépasse déjà la moitié de ce chiffre. Moins de 1500 élus à répartir dans tout le reste de la France ne suffira pas à tenir compte des différences démographiques entre les départements : on ne peut pas avoir deux fois plus d’élus pour représenter vingt fois plus de personnes.

Le statut de ces élus est d’ailleurs encore mal connu, aucune organisation sociale n’est pour l’instant prévue, de même que leurs compétences exactes. La fragmentation de la réforme aidant, l’ensemble de ces questions sont reportées aux lois suivantes, si bien que c’est un article de principe qui a été voté par le sénat. Pour cette même raison, aucun amendement n’a pu être adopté les concernant, tous étant relatifs à la précision de leur statut.

Une inquiétude chez l’opposition : l’instauration d’une hiérarchie dans les collectivités

Plus que ces précisions concernant le conseiller territorial qui a beaucoup fait parler de lui, ce sont deux inquiétudes que manifeste l’opposition : La disparition des départements et celle de la commune.

Si aucun de ces cas n’est évoqué dans les textes, c’est le risque de tutelle qui est invoqué : celle de la région sur le département d’un côté, celle de l’intercommunalité sur la commune de l’autre. Il faut dire qu’une telle éventualité va à l’encontre de la vision que se fait l’opposition d’une réforme efficace, c’est à dire globalement modulée en deux pôles :

  • Investissements stratégiques avec l’Europe, l’état et la région.
  • Investissements locaux avec le département, l’intercommunalité et la commune.

Pour rappel, la constitution interdit toute tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre : dans le cas du conseiller territorial, cela est laissé à l’appréciation du conseil constitutionnel, mais dans le cas de l’intercommunalité la question ne se pose pas : celle-ci n’est pas une collectivité territoriale reconnue par la constitution (« Art.72 :Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74.[…] »)

Les conseils communautaires, bataille rangée entre intérêts divergents

La question des conseillers territoriaux n’ayant pu amener un débat fructueux pour les raisons invoquées ci-dessus, l’attribution des sièges dans les conseils communautaires (organe délibérant des EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunal) fut quant à elle l’objet d’un débat plus intéressant.

Il faut dire qu’actuellement, l’attribution des sièges dans les EPCI s’est faite au fil du temps et par de nombreuses négociations. Déstabiliser un tel équilibre par une loi absconse aurait été dangereux, notamment dans l’influence que peuvent avoir les communes les unes sur les autres.

Grand chantre de la défense de sa ville, Gérard Collomb a ainsi largement œuvré depuis le début des débats pour la défense des intérêts des communes les plus importantes en proposant notamment la possibilité aux villes-principales des communautés urbaines de posséder plus de 50% des sièges dans les conseils communautaires. Notons également la manoeuvre habile qui a consisté à insérer « métropole » dans son amendement (adopté), avant même que la création de celles-ci soit discutée.

Certaines spécificités locales n’ont cependant pas été oubliées, je pense notamment au cas des communes de montagne qui bénéficient, dans le cadre des problématiques qui touchent à leur caractère particulier, d’un collège spécial au sein des conseils communautaires (est-ce une bonne chose ? Il faudra sans doute un peu de recul pour le savoir).

Une question enfin évoquée : la parité

Elle avait été la grande absente des débats de la semaine dernière, quelques débats et un amendement lui ont enfin été consacré cette semaine.

C’est Françoise Cartron qui la première a mentionné ce fait dans le débat. En effet, l’origine des conseillers territoriaux rend mécaniquement impossible une parité parfaite : si 47% des élus aux conseils généraux sont des femmes, ce chiffre tombe à 12% dans les conseils régionaux, ceux-là même dont sont-issus les conseillers territoriaux.

Argument fallacieux mais argument quand même, l’abaissement de la limite de population à 500 habitants pour l’élection des conseils municipaux par scrutin de liste devrait permettre à 30 à 40 000 femmes « d’entrer » dans la vie politique … vie qu’elles avaient probablement pour certaine déjà depuis longtemps, sans avoir pour autant le choix de figurer sur des listes qui de toutes manière n’existaient pas.

Pour finir, si la question de la parité chez les conseillers territoriaux n’a pu être réglée (puisque relative au mode d’élection … beaucoup de reports d’amendements je vous dis !), celle des délégués au conseil communautaire a pu être fixée : ceux-ci doivent désormais respecter les règles de la parité. Ce qu’on ne peut avoir sur le conseiller territorial, on le cherche ailleurs…

Après ce bref résumé des débats de la semaine, je vous laisse avec la liste des amendements ADOPTES (465 amendements restent à examiner), ainsi qu’avec l’état actuel de la loi. Bonne lecture, et à la semaine prochaine pour le dernier compte-rendu des débats de cette première lecture !

Article 2 : Relatif à l’élection des conseillers communautaires (représentants des communes dans les intercommunalités)

  • Amt n° 122 : Ancre le scrutin des conseillers territoriaux aux élections municipales
  • Amt n° 71 rect. : Restreint la mise en place de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires aux conseillers municipaux élus au scrutin de liste (un seuil minimal d’habitants est donc nécessaire).
  • Amt n° 512 rect. bis : Donne la possibilité aux communes qui ne disposent que d’un délégué de lui assigner un suppléant qui le remplacera en cas d’absence.
  • S/Amt n° 704 : Rend l’amendement précédent applicable dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération.
  • Amt n° 702 : Correction de l’alinéa 6.

Article 3 : Relatif aux modalités de répartition des délégués communautaires.

  • Amt n° 67 rect. bis : Refonte profonde de l’article, basant la représentation des territoires sur une base démographique (grande importance) et territoriale (moindre importance). Fixe également un nombre de sièges en fonction de la population de la municipalité prenant d’avantage en compte les grandes agglomérations que le texte de base. La métropole est inscrite dans ce texte avant-même d’avoir été discutée.
  • S/Amt n° 692 rect. bis : Corrections de l’amendement précédent, instaure de base ses principes aux métropoles (!) et aux communautés urbaines, et seulement faut d’accord, aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération.
  • S/Amt n° 706 : Complète l’amendement 67 rect. bis, modifie le code général des collectivités territoriales en modifiant des échéances.
  • Amt n° 85 rect. quinquies : Amendement identique au 67.
  • S/Amt n° 691 rect. bis : Identique au 692 rect. bis.
  • S/Amt n° 690 : Identique au sous amendement 706.
  • Amt n° 458 rect. quinquies : Précise l’attribution des sièges en cas de création ou d’extension d’EPCI.
  • Amt n° 642 rect. : Crée un collège spécial au sein des conseils communautaires pour les communes de montagne pour les questions qui les touchent directement. L’accord de ce conseil est voté à la majorité qualifiée par les membres qui le composent.
  • Amt n° 27 rect. : Fixe un nombre maximum de 15 vice-présidents dans les conseils communautaires, avec une dérogation possible à 20% de l’effectif de l’organe délibérant de l’EPCI.
  • Amt n° 68 rect. : Identique au 27 rectifié.
  • Amt n° 684 : Amendement de coordination avec l’amendement 458 rectifié quinquies.

Article(s) additionnel(s) après Article 3

Article(s) additionnel(s) avant Chapitre Ier (avant l’article 5)

  • Amt n° 708 : Modification du code général des collectivités territoriales intégrant dans la majorité requise pour créer un EPCI, les communes comptant plus d’un tiers de la population totale (contre uniquement celle qui a la plus nombreuse aujourd’hui).
  • Amt n° 709 : Aligne les règles de composition de la majorité requise  d’extension d’un EPCI sur celles de la création d’EPCI.
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    L'auteur
    Jérémy Berdou

    Cofondateur d'Urbanews.fr. Chargé d'études Environnement & Territoire chez Girus Viadeo | LinkedIn

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