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Les villes nouvelles d’Abu Dhabi, entre grandeur et démesure

Ayant adopté le plan « vision 2030 » sous l’impulsion du Sheikh Khalifa bin Zayed Al Nahyan, Abu Dhabi compte bien appuyer son développement futur sur le tourisme. Avec une croissance démographique quasi-exponentielle, il est clair que l’émirat est contraint de miser sur des travaux pharaoniques pour arriver à loger sa population, mais aussi pour se doter d’une attractivité et d’un potentiel hôtelier le plus grand possible. A la différence des émirats voisins, Abu Dhabi a décidé de faire de l’écologie la pierre angulaire de cette transition radicale. Faisons donc un petit tour des projets de villes-nouvelles actuellement en chantier !

Masdar city, Le bon élève

Masdar-city n’est pas le plus grand projet en cours à Abu Dhabi, mais c’est celui qui est le plus largement mis en avant. Concilier une capacité d’accueil de 50 000 personnes avec la prétention d’être la première ville « zéro déchet » entièrement tournée vers les énergies renouvelables est un défi à la mesure des moyens du Sultan. Seul le projet de ville écologique Chinois (Dongtan) semble pouvoir dépasser Masdar city en terme de démesure.

Il faut dire que si la cité n’est pas le projet le plus cher (entre 15 et 22 Milliards de dollars tout de même) ni le plus étendu (6,5 km²), c’est sans doute celui qui a bénéficié de la plus grande attention et des réflexions les plus intéressantes. En dehors de l’approvisionnement en énergie, basé sur une centrale solaire de 100MW (qui sera peut-être étendue à 500), et celui en eau, assuré par une usine de dessalement, toute la difficulté du projet a en effet été de mettre en place un système de transport cohérent, efficace, écologique et rapide.

Là où une ville traditionnelle doit tenir compte des contraintes du bâti existant, rien de tout cela à Masdar où les ingénieurs et architecte ont pu créer un maillage de transport entièrement tourné vers la marche et le vélo en surface, et au déplacements rapides en sous-sol. C’est d’ailleurs là la grande innovation du projet : la mise en place d’un PRT (Personnal Rapid Transit), un système de transport déjà mis en place à Morgantown,  mais adapté ici à une ville de 50 000 habitants, et pouvant, grâce à ses 3000 véhicules, assurer pas moins de 135 000 voyages par jour !

Le principe est en apparence simple, mais extrêmement complexe dans l’organisation qu’il requiert : ici, pas de transports linéaires et massifs sauf sur les grands axes et pour la liaison avec la capitale, mais un maillage dense de rails enterrés parcouru par des « Podcar », des nacelles de 10 places qu’on peut appeler à chaque instant et pouvant se rendre à n’importe quel endroit de la ville en 6 minute, choisissant le meilleur itinéraire pour éviter tout retard. Comme le fait remarquer le site « technologies-propres », c’est aussi un moyen souvent utilisé pour éviter la promiscuité hommes-femmes. A noter que le transport de marchandises et de déchets est basé sur le même système !

Parallèlement à ces prouesses, d’autres mesures moins visibles mais efficaces sont également prévues : recyclage des eaux usées pour l’alimentation en eau, climatisation alimentée par l’énergie solaire, recours systématique aux énergies propres : bref, une étude de style format XXL pour toutes les technologies « vertes », qui devrait s’achever vers l’horizon 2020.

Vous pouvez consulter utilement : technologies-propres, le site de masdar-city, la fiche de masdar-city sur construction-week-online

Mohamed Bin Zayed City, la nouvelle « ville debout »

Débuté en 2007 et prévue pour être terminée vers 2012, La Mohamed Bin Zayed City se trouve dans le quartier de Mussafah, extrêmement dynamique. Nous avons là un projet d’apparence plus classique en périphérie de la capitale, mais bénéficiant de ses réflexions propres sur la mise en place d’un schéma urbain nouveau et complet. La ville aux 349 tours étant destinée à accueillir 85 000 habitants sur un peu plus de 5 millions de m², on espère que que la question a bien été traitée !
Isolation renforcée, matériaux répondant aux normes les plus strictes sont au programme de ce projet à 7 milliards de dollars, mais ce n’est une fois de plus pas l’aspect que nous retiendrons. Avec un bâti vertical et une densité importante, la question des transports était là encore le point important à prendre en compte pour rendre viable la cité. Ce qui est intéressant, c’est de voir à quelle point les solutions retenues sont différentes de celles adoptées à Masdar city.
A Mohamed Bin Zayed City, point de surface entièrement piétonne, La ville garde un système classique en cela que la voiture y est toujours présente, mais le recours systématique aux parkings souterrains permet de libérer beaucoup de place, et permettre de découper la ville en 5 quartiers reliés par des places piétonnes et un réseau de vastes parcs

Al Raha Beach, sous les immeubles, la plage



Changeons à présent complètement de cadre : place à la plage, place à la foule. Al Raha Beach, c’est un aménagement littoral qui va se poursuivre jusqu’en 2019 sur pas moins de 11km de long. 120 000 personnes pourront vivre dans ce vaste complexe, lié à la capitale comme les projets précédents grâce à un réseau de transport efficace, en partie sur les flots pour les échanges internes.

Pour renforcer les échanges à Al Raha Beach, la ville est découpée en 11 quartiers distincts avec des « thèmes » principaux : jardins, loisirs, résidence… difficile tout de même de s’imaginer comment s’articulera la vie dans cet espace linéaire.


Télécharger La plaquette du projet

L’île de Saadiyat, le futur « hub culturel »


L’île de Saadiyat est l’un des projets phare d’Abu Dhabi. Deuxième plus important en terme d’accueil (150 000 personnes devraient pouvoir y vivre), son budget colossal atteint les 27 milliards de dollars. L’île cherche à attirer des populations aisées grâce à ses 8000 villas de luxe, et à se doter d’une aura culturelle importante avec un quartier destinés aux musées les plus prestigieux, dont le Guggenheim et le Louvre (construit par le français, Jean Nouvel).

Cliquer pour agrandir

L’île, c’est aussi un ensemble de quartiers s’articulant autour de points névralgiques. On a déjà vu le « Cultural District », mais il existe aussi le quartier le la Marina (photo du dessus), hautement commercial, celui du golf, du parc, un vaste ensemble hôtelier (29 hôtels 5 étoiles!); bref, différents pôles d’intérêt au sein de la ville.

Un des ouvrages le plus remarquable est sans doute le pont reliant l’île qui a du être construit pour 163 millions d’Euros, faisant la liaison avec le continent.

Ici pour consulter le site du projet (et jouer avec les tortues ! :))

L’île d’Al Reem, l’orgueil de la nation


C’est le plus important projet à Abu Dhabi : 633 hectares, 280 000 habitants, un budget dépassant les 30 milliards de dollars : on est pas dans un bac à sable là, c’est du sérieux !

Le projet est d’une telle ampleur qu’il a même été subdivisé en 4 sous-projets : Al Shams (l’élément le plus important avec 22 000 logements et une centaine de tours), Najmat (16 logements et 3000 commerce), Marina Square et Addax port (plus réduits, essentiellement des tours résidentielles à 70%).

Achevé en théorie d’ici 2012, ce projet résume assez bien ce que l’on peut observer dans les projets que je viens de vous présenter. D’une part, les projets les plus importants ne sont pas ceux qui sont menés avec le plus de cohérence (comprendre ici une réflexion de fond telle qu’elle a été menée à Masdar city, ou dans une moindre mesure à Mohamed Bin Zayed City), mais tendent à se concentrer un un certains nombre de points d’attractions architecturaux : on a beaucoup parlé de L’île de Saadiyat pour ses concours d’architectes mondiaux, et dans les cas des villes côtières, la présence d’une marina semble être la condition à la création d’un pôle de vie dans la ville.

Ces projets colossaux, en quoi nous concerne-t-il ? Peut-être faut-il se rappeler l’existence du rapport Attali de 2007 sur les Ecopolis, prévoyant la création d’une dizaine de  ces villes vertes de 50 000 habitants. Le président avait même déclaré « Je pense que le moment est venu pour la France de construire des villes d’un genre nouveau. Des villes qui soient des laboratoires de la modernité urbaine. (…) Et nous allons construire ces villes». Ces expériences qui sont menées actuellement ne sont peut-être pas que des lubies de riches comme on est souvent porté à la croire, mais peut-être bien un vecteur d’enseignement pour toutes les villes du monde. Les questions qui se posent lors de la construction de ces villes nouvelles : énergie, transport, répartition des activités, écologie, sont autant de questions que nous nous posons nous-même. C’est pourquoi étudier les solutions avancées par chacun de ces projets est intéressant, car faisant avancer nos propres connaissances.

A voir également : Visitabudhabi, Thomaslagache (crédit photo) et l’internaute (crédit photo)

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L'auteur
Jérémy Berdou

Cofondateur d'Urbanews.fr. Chargé d'études Environnement & Territoire chez Girus Viadeo | LinkedIn

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