Pas besoin de s’appeler Kondratiev pour comprendre que la ville, tout comme l’économie, se construit et s’articule autour de cycles, autour de va et vient, d’avancées et de replis. Autant de mouvements qui la fondent et qui, sur des périodes plus ou moins longues, vont organiser ses formes et son fonctionnement. Si la tendance était, et est toujours d’ailleurs, à la croissance périphérique des villes et à l’émergence de nouvelles centralités satellitaires à leur noyau historique, de plus en plus de projets urbains récents tendent à nous dire autre chose.
La ville se cherche. Cherche à réinventer son cœur à partir de ce qui l’entoure. Depuis le début des années 2000, cette quête d’existence, la ville va la trouver là bas, à ses marges, dans ce qui constitue plus généralement sa périphérie. Longtemps synonyme de « non-lieux » du monde urbain, les centralités périphérique, symptômes visibles de la métropolisation des territoires, nourrissent aujourd’hui de leurs expériences et de leurs pouvoirs –n’en déplaise d’ailleurs à Françoise Choay-, les hyper-centres un temps abandonnés, souvent pour partie délaissés.
Vague syncrétisme entre cinéma, parc de loisir, salle de jeu et fastfood pour diabétique en manque de sucre, le multiplexe, caractéristique de ces centralités et longtemps cantonné aux abords des nœuds routiers et des rocades, fait depuis quelques années une entrée fracassante au sein du tissu urbain des hyper-centres de ville. Initié fin 90, à Périgueux par exemple sous la municipalité Darcos en 1997, le phénomène des multiplexes « hyper-urbains » gagne en ampleur et accompagne souvent des projets d’envergure de revitalisation des centres anciens ; des territoires qu’ils doivent bien souvent, par leur attractivité, conforter dans une forme de centralité renaissante.
Si, passé la périphérie, le cinéma a pris du poids, les enjeux relatifs au développement urbain qui l’entourent ont quant à eux explosé. Posséder un multiplexe en cœur de ville, s’est effectivement bien souvent pour les communes, un moyen d’assurer à plus ou moins longs termes une véritable dynamique d’hypercentre, soutenue dans son expansion, par un réseau de transports en commun et de dessertes pertinent. Les exemples de villes ayant adoptées la formule ne manquent pas et leur recrudescence témoigne de la force du phénomène. Aujourd’hui, passées les métropoles (pour lesquelles le processus reste peu visible, voir contraire à celui décrit précédemment, à l’exemple de Lyon/ http://www.opale-lyon.com/content/medias/pdf/000113.pdf page 8), les villes moyennes se mettent à rêver de nouvelles dynamiques, et tant pis si cela doit en passer par le sacrifice de la culture et du petit cinéma de quartier… Après tout, personne n’aime plus le noir et blanc ni même d’ailleurs, le bruit des projecteurs usés par le temps! La culture, pour attirer les foules se doit d’être spectaculaire, de voir toujours plus grand et cela, les multiplexes, comme les villes l’ont bien compris.
Désormais éléments quasi consubstantiels aux centres urbains, qu’ils modifient parfois en profondeur, les multiplexes semblent avoir trouvé leur compte dans ce jeu et, conscients de leurs nouvelles forces, parviennent sans mal, sans ambiguïtés et sans « cinéma », à préciser aux élus les conditions préalables à leur installation urbaine.
L’actualité enrichit cet article :
Cap’cinema construira le multiplexe d’Agen. du Moniteur, le 28/09/2010
Le bâtiment (5 160 m2 de shon) comprendra dix salles de cinéma d’une capacité de 1 650 fauteuils et environ 900 m2 de restaurants. Son coût est estimé à 7,5 millions d’euros HT. Le projet est porté par l’opérateur angevin Cap’Cinema et la société Adim sud-ouest, filiale de Vinci.
Le projet de multiplexe sur la place du Pin à Agen, porté par l’opérateur angevin Cap’Cinema et la société Adim sud-ouest, filiale de Vinci, a été validé le 27 septembre par le conseil municipal. Le bâtiment (5 160 m2 de shon) comprendra dix salles de cinéma d’une capacité de 1 650 fauteuils et environ 900 m2 de restaurants. Son coût est estimé à 7,5 millions d’euros HT. La commune met à disposition le terrain dans le cadre d’un bail à construction de trente-deux ans pour un versement de loyer global sur cette durée de 2 M€. La construction du multiplexe ne commencera pas avant début 2012. Il doit attendre la réalisation d’un parking souterrain d’environ 250 places pour lequel la commune a lancé une consultation pour choisir à la fin de l’année un délégataire. La place du Pin accueillera également une nouvelle halle de marché de 1 385 m2 en remplacement de l’existante qui sera détruite. Ces différentes opérations s’intègrent à un projet global de réaménagement de la place du Pin, une des portes d’entrée d’Agen.