Ce géographe n’a pas mémorisé les répliques des 6 films ni confectionné le déguisement de Dark Vador le plus réussi. En fait, il a fait bien mieux : il a analysé l’ensemble de l’univers Star Wars (films bien sur, mais également livres, jeux vidéos et séries) pour décortiquer l’un de ses objets le plus important : Coruscant, la capitale de l’Empire.
L’initiative peut faire sourire, mais force est de constater qu’avec la quantité d’informations dont on dispose sur cette ville, l’analyser comme on le ferai avec une ville réelle est concevable. D’accord mais pourquoi Coruscant ? Tout simplement car cette ville cristallise l’ensemble des problématiques du modèle urbain nord-américain. Avec comme nuance que, comme l’auteur le dit dans son livre, Coruscant a « suivi le pire des scénarios possibles ».
Étendue à l’ensemble de la planète qui l’accueille, Coruscant semble avoir pris au mot le terme de ville-mondiale. cosmopolite, soumise à la ségrégation sociale, spatiale, économique, Coruscant dépasse l’entendement et les concepts qui nous régissent. Recouvrant une planète entière, il n’y existe ni centre ni périphéries; ce chantier permanent se réinvente sans cesse et sa complexité en rend la connaissance incertaine.
Pourtant cet objet délirant, dans son organisation, dans la manière dont sont régis ses déplacements ainsi que dans les relations sociales qui s’y nouent semble étrangement proche de nous. Objet de fantasme, Coruscant est également l’accentuation des caractéristiques qui régissent les grandes villes actuelles. Riches et pauvres y vivent ainsi à des étages différents (au propre comme au figuré), l’environnement y est saccagé, l’approvisionnement y est incertain, assuré par des planètes-colonies.
Empruntant à sa grande soeur Trantor (la planète monde imaginée par Isaac Asimov), Coruscant est également un centre politique majeur, siège d’une administration tentaculaire employant des millions de bureaucrates acharnés. Tout les éléments sont réunis dans Coruscant pour se faire une idée de l’idée que l’on se fait des grands centres urbains; lieux de pouvoirs et d’asservissement, d’attraction et de répulsion, de richesse et de misère.
Voilà donc un livre rafraîchissant à lire, même si vous n’êtes pas un grand fan de Star Wars; ne serait-ce que pour l’exercice de style auquel s’est livré Alain Musset. Un incontournable qui a permis l’ouverture au grand public d’une question largement délaissée dans les obédiences « sérieuses » des sciences sociales traditionnelles : celle de l’importance de l’imaginaire et des œuvres de fiction dans la construction de l’image de la ville.
Que la force soit avec vous, lecteurs et lectrices d’urbanews !