UrbaNews

J’ai testé : Cities XL 2011

En 2009, Monte Cristo avait parié et perdu avec son Cities XL. Ce City-builder innovait avec son abonnement payant permettant aux joueur de coloniser une planète et d’établir des relations commerciales entre les villes de celle-ci.
Après avoir mis la clef sous la porte faute d’un modèle économique viable, le développeur Français a finalement eu le soutient de son éditeur, et revient aujourd’hui avec une version remaniée de Cities XL : Cities XL 2011. Véritable « simulateur de ville » ou simple jeu de gestion ? Passons au crible les mécanismes de cette nouvelle mouture.

Les bases du Gameplay

La place ne manque pas !

Comme dans Cities XL « 2009 », tout commence à partir d’une vue planétaire dans laquelle vous allez choisir l’emplacement et le nom de votre ville. Climat, topographie, ressources naturelles, autant de facteurs à prendre en compte pour mener à bien vos projets. Pour la première ville, une situation équilibrée est préférable, mais rien ne vous empêche pas la suite de bâtir des villes spécialisées. En effet, toutes vos villes pouvant s’échanger des ressources, libre à vous de contrôler le marché et de faire des villes « spé-carburant » sous perfusion d’eau potable.

Urbanews-lesbains, victime de mon chauvinisme

Voici donc ma ville, Urbanews-lesbains (je n’ai pas eu la place de mettre de second tiret), avec des routes de type « française ». Sans aucune idée de la signification, j’ai choisi par pur chauvinisme. Dans les faits, cela recoupe le dessin, la couleur de la route et le sens de circulation des véhicules.

Premiers essais, l'outil de placement automatique des bâtiments est très bien conçu

Comme dans tout city-builder qui se respecte, tout commence par un terrain nu et une route. L’ergonomie est bien pensée sans pour autant révolutionner le genre; le début de la partie est donc consacré à installer les premières routes, services techniques, logements et entreprises.
Les différents éléments disponibles se découvrent au fur et à mesure du déroulement de la partie. Ainsi, à chaque passage de « pallier » de population, certaines options sont débloquées: routes de plus grande capacité, logements plus denses, industries de plus en plus lourdes…

La gestion de la circulation, le point fort du jeu

Le premier Cities XL avait fait l’impasse sur les transports en commun dans sa version de base. Cette nouvelle édition rectifie donc le tir et permet dès le cap des 25 000 habitants d’établir des lignes de bus, puis vers 100 000 habitants des lignes de métro. Avant cela, c’est le règne de l’automobile.

La planification des transports à elle seule pourrait faire l’objet d’un jeu à part entière. Étudions le cas d’Urbanews-lesbains, jeune cité pleine d’avenir. Le trafic y est congestionné à cause d’un mauvais choix urbanistique : tout le trafic des travailleurs passe par une route sous-calibrée (je n’ai pas trouvé comment faire des avenues avant le passage des 100 000 habitants, admirez l’artiste !).

Les choses commencent à se gâter...

Il est donc nécessaire de recourir à des nouveaux modes de transport, et le bus constitue la première solution qui s’offre à moi.
Installer des lignes de bus dans Cities XL 2011 peut s’avérer être une activité d’une grande finesse. Alors que dans la réalité il est parfois difficile de déterminer des trajectoires au sein d’une agglomération, le jeu met à la disposition du joueur l’état de la circulation en temps réel, ainsi que la provenance et la direction des usagers des tronçons que l’on sélectionne. Il est donc possible de voir d’où viennent et où vont les camions, voitures et piétons qui utilisent une portion de route.

Type et trajectoire des utilisateurs. Un outil dont bien des urbanistes rêvent

Additionné à une aire de chalandise connue des arrêts ainsi que d’une capacité des bus que l’on peut déterminer (mini-bus, bus ou bus-double), le joueur a donc tous les outils pour créer des lignes efficaces ainsi qu’un service parfaitement calibré.

La gestion des bus (et donc de leur coût) est bien pratique

On peut néanmoins regretter que cet effort de finesse dans la gestion ne soit pas plus poussé. Une gestion du cadencement des lignes ou des tarifs d’abonnement eût été intéressante; de même que la possibilité de mettre en place des mesures liées aux politiques de transports comme c’était le cas dans Sim City (avec les arrêtés municipaux).

La main invisible, c’est vous

Voici le panneau de contrôle qui vous permet de remplir votre rôle de "main invisible"

D’ailleurs, si dans Sim city votre rôle était bien déterminé, (celui d’un maire omnipotent) dans Cities XL il est plus difficile de trancher. A l’instar d’un God-game (jeu où l’on incarne un dieu), vous avez ainsi la main-mise sur des facteurs qui dépassent habituellement les capacités humaines, sans aucun conseiller pour vous aider sinon des demandes sur un prompteur impersonnel.
Véritable maître d’une économie basée sur un archipel urbain, c’est vous qui régulez l’offre et la demande de vos cités et du monde en général. Construire des industries ou des bureaux appelle mécaniquement des travailleurs adaptés, et construire des logements de certaines catégories sociales crée une demande pour les emplois associés.

Économie et société, mécanique d’une ségrégation programmée

Cette mécanique de catégories sociales est ainsi la base du jeu et la marque de fabrique de Monte Cristo (qui l’utilise depuis City Life, bien qu’elle soit moins omniprésente dans Cities XL puis Cities XL 2011). Les logements que vous produisez sont ainsi destinés à des classes précises : travailleurs, travailleurs qualifiées, managers et élites. Chacune possède ses logements mais aussi ses loisirs de prédilection, ses emplois réservés, ses équipements publics préférés.

Construire des manufactures amène ainsi des travailleurs qualifiés tandis que construire des logements pour managers crée une demande pour la constructions de bureaux. Bien sur, chaque industrie emploie différentes catégories sociales, mais chacune possède ses travailleurs de prédilection. Un panneau de contrôle vous informe en temps réel que type de travailleur il manque, ou quel type d’emploi n’est pas assez présent en fonction des ressources humaines disponibles. Fort de cette aide, il n’est pas rare de rester sous les 2% de chômage.

La satisfaction des travailleurs dépend également de leur temps de trajet

Cette structure de la société, si elle reprend finalement de manière cynique une certaine réalité urbaine, pousse le vice jusqu’à pousser le joueur à répéter des décisions qui sont de fait des problèmes avérés dans les villes actuelles.

De fait, la satisfaction des travailleurs (au sens large) est en partie liée au temps qu’il prend pour aller travailler.Pour ne pas mécontenter la population et pour éviter de surcharger le trafic, il est donc préférable de s’arranger pour assurer une certaine proximité entre emploi et travail.
Les emplois des travailleurs et des travailleurs qualifiés tendant à créer des nuisances, il est également conseillé de les maintenir en dehors des espaces urbains. Le modèle de développement prôné par le jeu pour arriver à un développement efficace est donc de mettre les catégories les plus défavorisées à l’écart des autres.

D’autre part, la satisfaction des travailleurs étant également liée à l’offre de loisir à proximité de leur logement, le joueur se doit de trouver des aménagements conformes aux goûts des habitants. Couteux, ces aménagements possèdent une aire d’effet limitée. Il est donc préférable pour le joueur de maximiser leur « rentabilité » en maintenant un habitat socialement homogène pour ne pas faire des aménagements qui n’intéressent personne dans la moitié de leur aire d’effet. Évidemment, jamais le jeu n’incite à faire de la sorte, mais les mécanismes qui le sous-tendent rendent ce raisonnement efficace (à défaut de bon) et le joueur qui agit de la sorte aura moins de difficultés dans sa partie que les autres.

Autre écueil, la surcharge du trafic routier et de l’entretien des routes étant un problème central du jeu, on essaye rapidement de densifier l’habitat pour limiter l’extension du réseau; une problématique très contemporaine. Dans le jeu, l’habitat dense pour les élites étant disponible bien après celui pour les travailleurs, il tend à se former une différence qui n’est plus seulement spatiale, mais directement liée à la forme de l’habitat. Au terme de ma partie (c’est à dire au moment où j’ai écrasé ma sauvegarde par mégarde), passé le seuil des 150 000 habitants, il était ainsi clair que les travailleurs logeaient dans de grands immeubles de piètre qualité tandis que les élites avaient des villas individuelles.

La mixité fonctionnelle, la grande absente.

Longtemps j'ai ignoré la signification de ce logo...

Vous pourrez, et vous aurez raison de le dire, que la mixité sociale est néanmoins possible. C’est d’ailleurs ce que j’ai fais dans ma ville, et cela a constitué un défi intéressant car allant à l’encontre du développement idéal tel que défini par les développeurs. Néanmoins, cette mixité sociale se cantonne à mettre des « logements travailleurs » à côté de « logements élites ».
Le même problème se pose pour les commerces et les emplois qui prennent place dans des bâtiments à part. Impossible donc d’imaginer des rues commerçantes ou des immeubles mêlant bureaux et logements. La ville promise par Cities XL (comme dans tous les City-builder à ma connaissance), c’est une ville fonctionnaliste ou l’espace n’a pas de sens, une victoire d’un technicisme du réseau exacerbé.

La ville de Cities XL (à l’instar de celle de Sim City, cf. dans le Cahier des Jeux vidéos #3), c’est également un rêve libéral de développement personnalisé et maîtrisé de l’offre et de la demande. Cela concerne les personnes et les ressources, mais également les biens de consommation, dont le prix sera fonction des commerces que vous ouvrirez. Temples de la consommation, plus les magasins que vous ouvrirez seront grands, plus ils contenteront du monde dans un large périmètre.
Témoins du nouveau modèle économique de Monte Cristo, vous pourrez ainsi construire des hyper-marchés Carrefour pour le plus grand bien de vos habitants.

Conclusion

Les éoliennes sont de la partie ... mais ne sont pas des investissements très rentables...

Je n’ai pas été avare en critiques, mais j’ai pourtant beaucoup aimé ce jeu. De même que les jeux vidéos m’ont amené à détruire des mondes entiers sans que cela m’empêche de dormir, Cities XL 2011 m’a fait passer de bons moments malgré la significations des actes qu’il amène à commettre.
Pour concilier politique « responsable » et gameplay intéressant tout en conservant la « patte Monte Cristo », peut-être aurait-il été judicieux d’instaurer de réelles limites à la ségrégation que l’on peut mettre en place. Si l’absence de « catastrophes » est un choix, le manque de limites, notamment sociales à ses actions rend finalement le jeu assez facile puisqu’il existe une logique de croissance efficace qui n’est contrée ni par la morale ni par les habitants.

La faiblesse des alternatives en terme de transport est également dommage, car si le système de bus et de métro est extrêmement bien pensé et ferai un très bon serious game, j’aurai aimé des trams, des stations de covoiturage, des parkings-relais, des vélos, des téléphériques urbains…
Un jeu sympathique donc, mais basé sur des politiques urbaines dégradantes où le facteur humain n’est pas présent (des menus aux bases du gameplay) et où les conséquences de nos actes n’entrainent jamais de réelles sanctions.

Quitter la version mobile