Premier courageux ayant accepté de répondre aux appels à témoins désespérés d’Urbanews sur les urbanistes et leurs conditions d’emploi, Emmanuel Blum occupe aujourd’hui un poste de Chargé d’Etudes sur les questions d’Equipements et de Tourisme au sein de l’IAU (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile de France). Un travail pour lequel il est rémunéré, après cinq années d’ancienneté, 2 200 euros net par mois.
Enfant du système universitaire français…
…formé à la dure entre deux grèves étudiantes (peut être un peu plus), d’abord en géographie puis en aménagement et urbanisme à l’Université Panthéon Sorbonne, ce jeune urbaniste de 28 ans a connu un début de parcours professionnel relativement stable. Après un passage en collectivité (tout comme 1/3 des jeunes diplômés selon le CNJU), Emmanuel a donc intégré l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile de France en tant que Chargé d’Etudes.
Là bas, il est un peu en vacances, en récréation permanente. Spécialiste par déformation pro, des enjeux liés au tourisme et aux loisirs, il répond aux demandes du Conseil Régional sur des thématiques aussi variées que le tourisme fluvial ou encore le développement de structures de loisirs dans le cadre de PNR franciliens. Récemment il a élargi son champ d’études pour aborder de manière plus transversale la question de l’accessibilité de la population francilienne aux équipements et services. Le travail ne manque pas d’intérêts dans son fond comme dans sa forme, nous rappelle-t-il :
« Mon travail nécessite à la fois une capacité d’analyse technique de l’offre en équipements ou de l’offre touristique ainsi qu’une compréhension des grands enjeux qui sous-tendent le fonctionnement métropolitain et régional afin d’apporter une vision « aménagement » dans des groupes de travail interdisciplinaires (avec des professionnels du tourisme, des acteurs de la promotion des territoires, des collectivités, etc. par exemple… »
L’urbaniste en formation continue
Tantôt porté à des missions opérationnelles, tantôt à des missions de recherche, l’IAU c’est d’abord à entendre Emmanuel, une grande école de l’urbanisme et du projet territorial :
« L’important est que j’ai l’impression de continuellement apprendre, de continuellement évoluer dans la façon de travailler, d’envisager les missions qui me sont confiées. C’est extrêmement enrichissant (…) Etre figé dans ses connaissances, dans sa façon de voir les choses et c’est l’ennui ou encore l’erreur de jugement qui guettent. »
A la manière du médecin, du chirurgien qui répare les corps, l’urbaniste qui panse les maux de la ville est soumis tout au long de sa vie à l’étude et à la compréhension des symptômes qui débouchent sur la construction, sinon parfois le démantèlement de certains territoires. C’est la condition, nous rappelle Emmanuel, pour « garder et entretenir une capacité à voir les choses de manière transversale et non par un seul angle. »
Difficile pour l’urbaniste de faire entendre une voix technique et indépendante…
… dans un monde d’abord et avant tout tenu par les rapports de force politique entre élus et politiques eux mêmes. C’est un peu le constat que fait notre professionnel du territoire. Bien considérée, appréciée souvent, la parole des techniciens de la ville et des territoires reste cependant trop peu souvent prise en compte. Et c’est encore plus sensible, nous confie Emmanuel, dés lors que cette même parole tend à contraindre certaines stratégies politiques :
« … ils (les politiques) ont souvent une idée assez enracinée avant même de demander un éclairage et donc souhaitent la voir être confirmée par les études. Et quelques-uns peuvent avoir tendance à considérer que les bureaux d’études sont là pour justifier a priori leurs actes futurs. »
S’il sait faire de la caricature, à écrire ces quelques mots (surtout qu’il est lui-même élu local), il n’en traduit pas moins une certaine réalité ; celle des rapports entre partenaires, techniciens, architectes et politiques qui apparaissent souvent, au prisme des enjeux territoriaux, complexes et alambiqués.
Pour peser d’avantage dans la balance des discussions et apporter du poids à leurs analyses et à leurs travaux, Emmanuel nous laisse entendre au regard de son expérience, que les urbanistes peuvent compter sur l’image (de préférence positive) que peut renvoyer aux différents partenaires, la structure au sein de laquelle ils officient :
« …la renommée de la structure dans laquelle on travaille compte aussi dans la vision qu’ont les partenaires et les commanditaires de notre travail. (…) Il est plus facile, à mon sens, en étant dans une grosse structure, financièrement forte, de dire un certain nombre de choses, que quand on est dans un « petit » bureau d’études qui dépend fortement de réponses à des appels d’offres. »
Pour Emmanuel, l’urbaniste est d’abord un technicien qui se doit, au travers de son discours, de tenir une certaine rigueur scientifique et surtout, de coller un maximum aux réalités du terrain d’analyse. De cela très certainement, davantage que du concours d’ingénieur de la fonction publique territoriale, dépend la crédibilité du professionnel des territoires.