Il y a vingt ans, la France lançait sa première politique de la ville et un ministre en charge de cette question était nommé par François Mitterrand avec l’objectif, toujours hors de portée, de transformer les quartiers en cinq ans.
La politique de la ville désigne les dispositifs de solidarité visant le rattrapage des territoires en difficulté et l’accompagnement social de leurs habitants. Elle touche huit millions de personnes et 2 500 quartiers, selon le sociologue Emmanuel Heyraud.
Deux mois après les émeutes de Vaulx-en-Velin déclenchées le 6 octobre 1990 après la mort d’un jeune motard à un barrage de police dans cette banlieue de Lyon, le président Mitterrand tenait son discours fondateur de la politique de la ville à Bron (Rhône).
Les 7 et 8 décembre, il réunissait un séminaire ministériel dédié au sujet et nommait quelques jours plus tard le premier ministre d’État chargé de la Ville, confiant le poste à Michel Delebarre, alors ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et de la Mer.
« C’est la première fois qu’un gouvernement prenait à bras-le-corps ce problème et décidait de voir si on pouvait arriver à focaliser les moyens d’Etat pour essayer de faire bouger les choses« , se souvient M. Delebarre, maire de Dunkerque, interrogé par l’AFP.
En réalité, une prise de conscience était à l’œuvre depuis le rapport d’un « comité d’études sur la violence, la criminalité et la délinquance » de 1977.
« La violence habite les grandes cités« , observait le comité présidé par le garde des Sceaux Alain Peyreffite, évoquant des populations « entassées, ségréguées et anonymes » et un « sentiment d’insécurité » qui allait provoquer l’exode des classes moyennes. Le rapport contenait plusieurs préconisations en matière d’urbanisme.
Les ensembles décrits aujourd’hui comme criminogènes ont été d’abord « des quartiers de modernisation sociale dans la politique urbaine française » avant une « dégradation progessive » sous les effets du chômage, des difficultés de la vie, des conflits entre générations et de l’arrivée de nouvelles populations, analyse M. Delebarre.
« Ces dégradations ont mis 20 à 25 ans pour apparaître« . L’objectif de « redresser ce courant » en cinq ans, comme souhaité par le président Mitterrand, était une « gageure impossible« , selon lui.
Malgré un budget « pas considérable » et une « équipe restreinte« , le ministre héritait d’un décret lui donnant « une autorité ou une capacité d’agir sur une trentaine d’administrations centrales, tous ministères confondus« .
Cette « transversalité » s’est ensuite « diluée« , déplore M. Delebarre alors que la politique de la ville nécessite une « inamovibilité pendant trois gouvernements successifs » et « une conviction fortement partagée par l’ensemble des responsables de ce pays, au-delà des alternances gouvernementales« .
« La politique de la ville n’est ni de droite, ni de gauche, ni du centre« , confirme Maurice Leroy, devenu ministre de la Ville dans le gouvernement Fillon remanié, succédant à l’ex-secrétaire d’État Fadela Amara. « C’est une politique qui s’intéresse avant tout aux habitants des quartiers les plus difficiles« .
M. Leroy considère comme importants les facteurs « temps« , « durée » et « concertation » avec maires, habitants et associations.
M. Delebarre conseille au nouveau ministre de « déranger » car, selon lui, la politique de la ville est un « vrai problème de société » et le responsable qui en a la charge « doit être une mauvaise conscience du gouvernement et de l’administration« .
Avec AFP