Lorsque l’on se tient à Ouchy en front de lac, au pied de la première station de l’ancien funiculaire, le regard tourné vers la ville, rien, pas même les quelques 500 mètres qui nous séparent du point le plus haut de Lausanne, ne transparaît. Pour saisir l’importance du dénivelé qui fait la particularité de la métropole aux 126 000 habitants, il faut d’abord prendre son métro. Mis en service en octobre 2008 le M2 accuse une déclivité de 6% en moyenne sur l’ensemble de son parcours et de quasiment 13% au niveau de la station qui dessert le secteur de la gare…
L’urbanisme et la ville à l’assaut des contraintes
Sur un site en pente, en contre bas des collines qui font suite au plateau suisse, la ville de Lausanne relève d’un vaste territoire à contraintes sur lesquelles l’urbanisme a su fabriquer un modèle de développement à part entière. Depuis la fin du 19ème siècle et l’expansion urbaine, la ville n’a en effet eu de cesse au travers de son développement que de lutter contre une pente omniprésente pour ne pas dire paralysante. Cassant les oscillations du relief (succession de collines et de vallées) pour mieux le domestiquer, l’urbanisme lausannois a comblé les dépressions, percé et creusé les versants, lorsqu’il ne traçait pas tout simplement des ponts comme pour prolonger les courbes de niveau d’une colline à l’autre.
En plein cœur de la ville, la Place de l’Europe nous apparaît dans son héritage, à l’image du combat qu’a livré et que livre toujours Lausanne contre le relief. Assise sur un remblai venu combler la vallée du Flon, la place étalée sur 3 niveaux constitue un des nœuds d’échanges les plus actifs du territoire lausannois et le point de rencontre des principales lignes de transport en commun de la ville et de son agglomération. Lorsque l’on parcourt l’endroit, on comprend tout de suite que l’urbanisme a ici non seulement dompté le relief mais aussi et surtout, intégré ce dernier pour valoriser ses « productions » et asseoir la symbolique d’une métropole en devenir.
Une ville « hyper mécanisée »
Si le métro né de la reconversion de l’ancien funiculaire, constitue sans nul doute l’outil mécanique de domestication du relief le plus évident sinon le plus impressionnant, il en est d’autres qui, pris pour ce qu’ils sont et non dans l’ensemble qu’ils constituent, marquent de manière plus anecdotique et plus ponctuelle l’espace de la ville et son centre historique. Dans son acharnement répété et inlassable à vaincre la contrainte, l’urbanisme semble avoir mécanisé presque parfois à outrance, les rues et leurs dédales. Partout des ascenseurs et des escalators accompagnent les citadins dans leurs pérégrinations urbaines, annulant les pentes et de fait, l’effort à mobiliser pour les remonter.
La ville a produit peu à peu, à force de le modeler, un relief artificiel. Les collines et les dépressions qui alternaient autrefois en une succession de versants paraissent aujourd’hui mourir en étages dans une ville à l’apparence d’une construction verticale. Les immeubles et les magasins adossés à la pente sur plusieurs niveaux, deviennent bientôt des passages verticaux à l’intérieur desquels la vie urbaine se fait. On envisage le relief, on le conçoit peut être, sans jamais le sentir pourtant, ni le pratiquer véritablement.