On conclue notre petite épopée (voir précédents épisodes ici et là) par un article mêlant à la fois les problématiques de la résilience urbaine avec celles du développement urbain du Sud comme modèle et source d’inspiration. Ces deux-là ont un point commun très fort, un même enjeux : s’adapter ou sombrer. On parle de « résilience Hip-Hop » quand il s’agit de s’adapter par l’intelligence de la débrouillardise (souvenez-vous des principe du hip-hop urbain et de son intelligence de la débrouillardise).
La transition de nos inspirations.
Les favelas brésiliens et autres bidonvilles indiens sont sans doute les modèles de systèmes les plus résilients au monde. Leurs instabilités politique, économique et social, basées sur l’intelligence de la débrouillardise, de la magouille, une hiérarchisation de l’informel, leur vaut au moins le triste privilège d’être « flexible ». Une flexibilité imposée qui les rendrait résilients. Leur « état stable » est celui de l’instabilité.
Cela fait-il de ces villes de l’informel une source d’inspiration pour nous autres occidentaux avides de résilience ? L’urbanisation ne cesse de complexifier les systèmes et sous-systèmes socio-techniques, écologiques, économiques, géopolitiques, nos usages, nos mentalités. Tout y est toujours plus sophistiqué et donc plus déréglable, l’avenir de nos villes serait-il entre les mains des prêcheurs de la décroissance ? Devons-nous envisager une démondialisation et appliquer un modèle basé suivant l’intelligence de la débrouillardise afin de décomplexifier notre système et rebondir ? Regardez plutôt : (plus d’images ici)
Au siècle dernier, l’inspiration venait plutôt de villes développées comme Venise, Londres ou Birmingham. C’est un bel exemple de renversement total de nos sources d’inspiration quant à la recherche de capacité d’adaptation aux perturbations.
La démondialisation, catalyseur de résilience urbaine ?
L’analyse du renversement radical de la situation mondiale de Hervé Juvin est-elle un scénario à ne pas négliger, voire même à sérieusement envisager ? La question de la démondialisation est déjà bien avancée, et très « tendance ». Effectivement, la mondialisation a entraînée une complexification des systèmes ainsi qu’une standardisation. De ce fait, on a tendance a créer, pas de la vulnérabilité intrinsèquement, mais on génère des dépendances qui peuvent induire des événements majeurs. Le risque naturel étant un des éléments naturels qui peut alimenter tout ça, la probabilité de créer de la vulnérabilité est faible. D’où l’intérêt d’analyser la ville en tant que système complexe. Mais justement, la résilience naît du paradigme de cette complexité. C’est-à-dire qu’à partir de celle-ci, comment fait-on pour lutter contre des événements qui sont imprévisibles ?
Il est indéniablement plus aisé d’être résilient quand on est pas complexe. C’est pourquoi souvent on entend dire, si vous voulez voir une ville résiliente, allez voir du côté des logements informels. Pour contrer la vision positive de la résilience, le concept est parfois synonyme de décroissance.
Ainsi, on peut continuer de croître avec un minimum de ressources. Imiter les mécanismes de la nature, les mécanismes de croissance économique, politique et sociale « low cost – low tech – locaux », permettant plus facilement la résilience car le système serait moins « complexe » et donc moins « déréglable ». La résilience n’est pas toujours une question de « retour au mécanisme du cycle naturel » et surtout, la résilience n’est pas quelque chose de générique, elle ne s’applique pas de la même façon n’importe où. C’est un concept qui n’a pas de finalité en soit, la résilience ne pose pas de question éthique. « C’est un questionnement sur la persistance des éléments et comment on peut persister face à des événements extrêmes ou face à des événements complexes. Ce qui est différent. » (Serge Lhomme, doctorant à l’EIVP)
La résilience inattendue ?
Sans doute, l’avenir de la triste faillite de la Grèce et autres shrinking cities d’Allemagne et du reste du monde se jouera entre les mains de grands investisseurs Quataris, des Emirats, de Chine, d’Inde du Brésil ou de Russie qui adorent montrer leur capacité de « sauver le monde in extremis ». De nos jours, ce sont eux qui détiennent le portefeuille du monde et ils réinvestissent sur absolument tout et n’importe quoi.
On retient le rachat par les riches Qataris des clubs de football de Manchester City et de Paris Saint Germain. Deux grands clubs européens qui étaient en déclin ces dernières années et qui revivent aujourd’hui en tête de leur championnat respectif. Des banques, des investissement immobiliers, hôtels, palaces, multinationales, bref, tout ce qui aujourd’hui semble en déclin, les quataris répondent présents pour un sauvetage in extremis. Sont-ils les acteurs inattendus de la résilience ? Ainsi, ont-ils fait du PSG un club de foot résilient ?
Enfin, ne sous-estimons pas le pouvoir de l’UNESCO qui, décidant si oui ou non un site peut être classé comme patrimoine mondial, est capable de « réveiller » une cité perdue. Les sites du Machu Pichu, Auschwitz, Troie et Delos sont quelques exemples de sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ceux-ci sont sortis de l’oubli et témoignent d’une renaissance par l’attrait touristique induit par le label. L’UNESCO promoteur officiel de résilience urbaine par le tourisme ?
Synthèse de l’épopée de la résilience urbaine.
Déclin puis renaissance, retour en arrière puis rebondissement, perturbation puis retour à la fonctionnalité, etc. Nous pourrions citer tous les sens du concept de la résilience et nous verrons qu’il est applicable à n’importe quel système. Des points communs existent entre ces différents systèmes. Parmi les notions les plus récurrentes on recense celles de la solidarité, de ne pas s’être laisser abattre, le besoin de comprendre et de garder en mémoire un tel déclin pour mieux appréhender l’avenir. C’est peut-être une sorte de « culture du risque » que la population développe au fur et à mesure des épreuves communes de son histoire et qui participe aussi à son identité. Plus un système emmagasine un historique lié aux perturbations, plus il en a conscience et s’adapte en conséquence.
Ainsi soit-il, appliquée à la ville la résilience devient urbaine et comme toute urbanité, elle est bien plus qu’un concept complexe, polysémique et pluridisciplinaire, c’est un vecteur de paradoxes urbains.
L’interrogation sous-jacente aux valeurs de la résilience urbaine, est certainement une remise en cause de la condition naturelle de ce cher Charles Darwin. Si pour la sélection naturelle l’évolution est à la portée de ceux qui savent et qui peuvent s’adapter, qu’en serait-il de la condition urbaine ? Devons-nous répondre à l’ordre de la résilience urbaine afin d’évoluer ? L’évolution, nous l’avons vu, peut-être aussi à l’origine d’une décroissance urbaine, d’une tabula rasa, d’une augmentation de la conscience collective du risque, de l’entretien perpétuel de son environnement dans le but de le prospérer, etc. Existerait-il alors une sorte de sélection urbaine quelque part dans nos urbanités ? Et si oui : l’adaptation est-elle indispensable à l’évolution ?