L’urbanisme chinois à l’épreuve des gated communities
Depuis le début des années 80 et l’ouverture progressive de la Chine aux Marchés, les villes et leurs périphéries ont connu une explosion sans précédents de leur croissance. Aux franges des grandes métropoles, indissociables de l’émergence de nouveaux noyaux urbains satellitaires, des programmes d’urbanisme se multiplient avec pour objectif celui d’accueillir le flot jamais tari des travailleurs, migrants ruraux en quête d’une vie meilleure.
Le « chinurbanisme » ou l’âge d’or du secteur urbain
C’est en prenant de la hauteur, depuis le ciel ou l’espace, que l’on perçoit le mieux le processus d’urbanisation à l’œuvre accompagnant l’essor des infrastructures et de la voiture particulière. Sur des centaines de milliers de kilomètres carrés acquis à la ville depuis les premières réformes du droit de propriété sous Deng Xiaoping (80), l’urbanisation et les opérations d’urbanisme reproduisent partout le même schéma, les mêmes motifs orthogonaux, ceux d’espaces cloisonnés et circoncis aux limites des routes qui les entourent.
Sur les anciennes terres agricoles préservées, legs de l’anti-urbanisation maoïste, les programmes et les projets résidentiels achèvent d’uniformiser un paysage dont les lignes hyper-rationnelles ne trahissent que trop bien les principes économiques qui régissent leur construction. Point de départ des stratégies commerciales et immobilières, les secteurs offrent ainsi aux développeurs la possibilité de maximiser la rentabilité de leurs projets jusqu’à standardiser le moindre de leurs éléments, de la hauteur des bâtiments en passant par le coefficient d’occupation des sols ou le taux d’espaces réservés à un usage « public ».
De l’urbanisme sectoriel aux communautés fermées
A l’intérieur de ces vastes carrés, paradigmes s’il en est de la ville rentable, les promoteurs jouent à grands renforts de publicités sur les avantages du modèle d’urbanisme à la chinoise. A chaque enclave sa gamme de produits résidentiels, son offre de services et surtout, son profil social. Alors que pour les classes moyennes l’offre de services au sein d’un secteur se résume parfois à peu de choses, sinon au strict minimum, à l’inverse les classes les plus aisées bénéficient souvent des meilleurs équipements et du choix que leur procure leur multitude.
A l’image des gated communities et des lotissements fermés, réservés à certaines catégories sociales (qui ne sont plus forcément les plus fortunées notamment aux Etats-Unis), certains secteurs des périphéries des grandes villes chinoises ressemblent de plus en plus et à s’y méprendre à de vastes complexes américains sécurisés. Autour des golfs, symboles ou utopies de la communauté autosuffisante, sécurisée et sécurisante, les secteurs les plus luxueux déroulent leurs programmes de logements. Et le modèle de se répéter toutes proportions gardées jusqu’au cœur des secteurs plus modestes à la faveur d’un parc enherbé ou d’un mini-golf.
S’il faut voir derrière ce processus de construction sectorielle et d’entre soi un écho au modèle états-unien essaimant et reproduisant (en différentes formes) à travers le monde l’idée d’un rêve américain, les permanences traditionnelles présentes en Chine autour notamment de la vie en communauté résidentielle, des fameux lilongs, doivent interpeller. Loin de constituer un modèle hérité, celui des secteurs de la ville chinoise contemporaine correspond davantage à l’expression du syncrétisme de l’idéologie communiste, des traditions et d’un modèle capitaliste chinois en devenir.
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