Et si on prolongeait un peu le rêve républicain des législatives. Pour ceux qui n’en ont pas encore eu assez, les survivants de la soirée des résultats du second tour, Urbanews s’est intéressé pour quelques lignes et quelques bribes de programmes aux idées pour la ville de demain, de ceux qui n’auront fait que passer. Candidats fantasques, ovnis politiques et idéologiques, « avatars » de la République,… les législatives ont parfois fait émerger, au hasard des circonscriptions, leur lot de bizarreries politiques. Un constat qui n’aura pas épargné les réflexions de certains micros partis, pour ne pas dire, d’« autopartis », sur l’urbanisme et ses corollaires. Petit tour non exhaustif des caractéristiques et des idées des bas fonds de l’engagement démocratique…
Le vivre ensemble dans la ville, leitmotiv éculé de l’Ubu candidat
Dans tous les domaines d’exercice professionnel, et l’urbanisme n’y échappe pas, il y a des choses qu’on entend, qui reviennent comme des rengaines dégueulasses et qu’on croirait tout droit tombées d’un succès musical des années 80. Véritables dangers intellectuels, les « leitmotivs », ces idées qui s’insinuent dans nos esprits et qui finissent, inertes, par ne plus en sortir qu’au prétexte d’une phrase préconstruite, ont maladroitement tapissé les propos et les engagements bancals des petits candidats pour la ville de demain.
A l’instar du « développement durable », matrice intellectuelle et cadre idéologique de pensée fourre tout, le « vivre ensemble » est devenu un espèce de landerneau ; un réflexe pavlovien en somme, dés lors qu’il a s’agit de dire qu’on ne réitérerait plus, traumatisés, la connerie (sous sa forme de l’époque) des grands ensembles urbains.
Pour le Trèfle, parti écologiste symptomatique de ce leitmotiv, qui a fait sensation grâce à l’affiche de l’un de ses Avatars débarqué de Pandora (Fabrice David), le « vivre ensemble » connote ainsi tout ce qui ne semble pas relever de cette erreur urbaine et passée, proposant en substance des actions ou des « non-actions » déjà ancrées depuis la fin des années 70 dans les discours des acteurs et des politiques de la ville :
« Afin de contribuer au mieux-vivre ensemble, Le Trèfle recommande […] aux pouvoirs publics d’interdire totalement la construction de très grands ensembles ou de réduire/restaurer ceux existants. »
Merde, on n’y aurait pas pensé ! Et pour pimenter un peu plus le propos, sinon pour asseoir ce qui déjà, semble trahir un dégout profond pour l’urbain, le Trèfle préconise de construire des logements sociaux, non pas forcément là ou le besoin s’en fait sentir, mais d’abord et sans autres explications, dans les villes moyennes :
« Les préconisations de redistribution géographique du Trèfle concernent aussi l’espace urbain. Ainsi, les villes moyennes pourraient, à la place des grandes villes, accueillir plus de projets de construction de logements sociaux. »
Le Parti du Plaisir et le MAL pour une ville plus sexy ?
On aurait bien aimé connaître la vision du Parti du Plaisir emmené par Cindy Lee, pour la ville de demain. Mais non, au lieu de ça, et de tout ce que nos questions sans réponses essaiment désormais de sordides fantasmes, le Parti du Plaisir aura préféré parler sérieux.
Tellement sérieux à vrai dire que, sur les questions du vivre ensemble, pour ne pas dire de la mixité sociale, le parti ne tarit pas de propositions, surclassant même de pertinence, celui du Trèfle. Alors plutôt que de parler mannequins de bus ou de rues piétonnes, d’espaces publics sexués et de mobiliers érotiques, genre bites ou potelets, le Parti du Plaisir a préféré parler SRU, réforme de la loi CARREZ, plafonnement des loyers, et accès au logement…
Un peu déçu par ce trop plein de crédibilité et surtout d’absence de propositions qui rendraient, en dehors de la légalisation de la prostitution et des maisons closes, la ville et ses rues plus sexys, restait à Urbanews l’alternative du Mouvement Antithéiste et Libertin.
Si les premières lignes du programme tendent à pétrir l’esprit d’évocations érotiques, créant entre deux propositions sur le mariage homosexuel, la survenu d’un décor urbain enivré de rouge et de boutiques amsterdamoises, un petit tour sur les questions qui touchent à la ville fait soudain redescendre les attentes…
Encore une fois, la ville qu’on présageait pleine de désinhibitions, ne parvient pas à éclore. Encore une fois, la dame préfère nous parler du DALO et de l’accès au logement pour tous, éclipsant évidemment les problématiques liées à la périurbanisation (pas un seul mot, comme d’ailleurs pour le Parti du Plaisir), mais surtout à celles de la frustration de l’urbain, errant sans aucuns contentements corporels et visuels pourvus aux frais de l’institution publique.
L’ETSC, ou la ville à l’heure du tout « marchandisable »
Encore moins sérieux, à vrai dire, pas sérieux du tout, le Parti (ou Eglise) de la Très $ainte Consommation d’Alessandro Giuseppe, a fait de la ville et de ses questions d’avenir, un sujet encourageant, … la consommation.
Partant du constat que les lieux et les fonctions du monde capitaliste s’agrègent et marquent plus qu’ailleurs de leur empreinte, les villes et leur fonctionnement, l’ETSC envisage ainsi de faire de l’espace public un bien commun de promotion permanent des grandes enseignes et plus généralement de toutes les entreprises qui proposent des produits à la vente, avec un petit faible pour les constructeurs et revendeurs de téléviseurs écrans plats à destination des moins de 3 ans.
A ce titre, le parti propose de changer le nom des rues par des marques, par exemple celles qu’on ne peut pas citer ici, vendant la ville au plus offrant. Une démarche qui tend à tourner en dérision les nouvelles formes de « marketing urbain » et d’incrustations publicitaires, mais qui donne malgré tout à réfléchir sur les frontières de la promotion en ville, à fortiori celle pratiquée sur le domaine public. Heureusement pour le citadin paumé ou le visiteur de passage, le nom des rues ne changera pas plus de trois fois par an, ne manque pas de préciser le parti…