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3 petites choses que la science fiction a vu du Grand Paris

Lorsqu’il écrit son œuvre, Paris au XXe siècle, en 1863 (publiée 130 ans plus tard, en 1994), Jules Verne qui n’a alors que 19 ans, imagine à cent ans, un Paris aux airs dystopiques ou la science et la finance, érigées en préceptes de vie absolue, ont relégué la littérature et les arts de tous genres au statut d’objets méprisables. Dans ce Paris « fictionnel », Verne fait des descriptions de la ville qui ne sont pas sans rappeler certaines vues territoriales ou certains projets, imaginés par les équipes qui ont travaillé et travaillent encore, sur la construction territoriale du futur Grand Paris. Jules Verne et d’autres, auraient-ils donc inspiré nos équipes, ou simplement, les auraient-ils génialement précédé ?

Le Grand Paris portuaire

En 1863, Verne écrivait :

En moins de quinze ans, un ingénieur civil nommé Montanet, creusa un canal qui, partant de la plaine de Grenelle allait aboutir un peu au-dessous de Rouen. […]. Les travaux faits dans le lit du bas fleuve avaient rendu le chenal favorable aux plus gros navires. Ainsi, du Havre à Paris, la navigation n’offrait aucune difficulté.

A l’instar de l’équipe Grumbach et de son projet Seine Métropole auquel l’ouvrage fait écho symbolique, Verne s’attarde sur la description d’un Paris portuaire, ou la ville, linéaire, s’étire bien au-delà de ses limites administratives et s’affranchit en partie du modèle radioconcentrique. Tournée vers l’ouest, la capitale entretient, chez Jules Verne comme dans le cadre du projet Seine Métropole, un lien particulier au Havre, à la Seine et à la côte, tissant entre ces dernières et la capitale, un réseau dense de mobilités fluviales et routières.

Le dessin de l’équipe Grumbach pour le Grand Paris Seine Métropole

Le Leviathan IV au port de Grenelle ( Illustration François Schuiten’s)

Dans cette idée que Jules Verne se fait alors de Paris, l’océan « arrive » jusqu’au quartier de Grenelle, devenu port marchand. Les bateaux arrimés par dizaines et orientés dans leur traversée de la Seine par le Phare du Port de Grenelle, édifice haut de « 500 pieds », ont amené avec eux l’activité du monde et participé à la création d’un véritable port-de-mer en plein Paris.

Cette évocation d’un Paris portuaire, revient également dans d’autres œuvres de science fiction. C’est le cas du Paris de Victor Fournel  dans Paris nouveau et Paris futur ou de celui d’Albert Robida dans Le vingtième siècle : la vie électrique.

Le métro aérien

Autre anticipation troublante, Verne aborde à plusieurs reprises, dans ses descriptions du Paris des années 60, un réseau de transports en commun et notamment de train qui n’est pas sans évoquer l’idée de Christian de Portzamparc et de son objet aérien périphérique. Baptisé « métropolitain21 » dans l’œuvre de Jules Verne ( « annulaire rapide » chez de Portzamparc), ce rail-way décrit, à l’image du projet imaginé pour le Grand Paris, un réseau concentrique autour de la capitale, loin, très loin du schéma en radiales que dessinaient – et dessinent d’ailleurs toujours – les lignes de trains et de tramway à la fin du 19ème siècle.

Au second plan, un ligne du metropolitain, qui cadrille et entoure Paris (Illustration François Schuiten’s

Préfigurant la technologie du métro lillois, le VAL (Véhicule Automatique Léger), breveté au début des années 1970, Verne va jusqu’à détailler son fonctionnement :

La première voiture portait entre ses roues des aimants distribués à droite et à gauche du tube, le plus près possible mais sans le toucher. Ces aimants opéraient à travers les parois du tube sur le disque de fer doux. Celui-ci, en glissant, entraînait le train à sa suite, sans que l’air comprimé pût s’en échapper par une issue quelconque.

Pour la petite histoire, lorsque Jules Verne écrit  son livre et anticipe sur la création d’un métro aérien à Paris,  le tout premier métro, celui de Londres, est mis en service. Une technologie à vapeur, très éloignée cependant des préfigurations de l’auteur et de ce qui pourrait ressembler aux métros automatiques actuels.

De la verticalité

Dans Le vingtième siècle d’Albert Robida publié en 1883, la capitale a largement débordé de ses frontières, digérant, puis bientôt, annexant des villes qui constituaient autrefois sa lointaine banlieue pour en faire ses arrondissements. A l’image de ce Paris compact mais hétérogène pensé par l’équipe MVRDV (Métropole Plus), le Paris de Robida gagne en surface, mais construit également son futur par le haut.

L’image de la verticalité  est omniprésente chez l’auteur. On y découvre une ville aérienne, qui fait penser par certains de ses aspects aux « délires », mesurés ou non, d’équipes engagées sur la réflexion du Grand Paris, à l’instar de Roland Castro et de son « village vertical » ou de Jean Nouvel pour ses « éco-villes », elles aussi verticales.

Le Paris vertical de Jean Nouvel, où les tours recouvrent pour certaines des pans de ville, évoque parfois le Paris de Robida.

Dans l’œuvre de Robida, la vie est moins terrestre qu’elle ne se trouve contrainte, en fin de compte, à se hisser aux altitudes parisiennes. Les transports en commun, devenus pour la plupart aériens, ont facilité la croissance d’une ville sur la ville, multifonctionnelle, mais pas forcément égalitaire :

Des spéculateurs hardis ont acheté l’Arc de triomphe et le Palais construit au dernier siècle sur les hauteurs du Trocadéro ; un tablier de fer colossal, soutenu de distance en distance par des piliers de fer […] a été jeté du sommet de l’Arc de triomphe aux deux tours du Trocadéro, par-dessus tout un quartier. La place de l’Étoile, couverte entièrement, a été convertie en jardin d’hiver. Au-dessus, […] un immense palais s’est élevé, portant à des hauteurs inusitées ses pavillons et ses tours.

Illustration d’Albert Robida et de son Hotel International, syncrétisme de l’architecture mondiale de la fin du XIXème siècle

Bien évidemment, on espère ne jamais voir ça « sur » Paris… Pourtant, la vision d’une capitale verticale, même si elle effraie encore par ses possibles extrémismes architecturaux, est en train de conquérir certains débats sur la ville durable, comme d’ailleurs, le cœur de certains spéculateurs, pour ne pas citer Robida.

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