New York + Hurricane: on aurait prié pour une fin du monde
L’ouragan est passé, laissant les Etats-Unis face à l’après d’une catastrophe dont on dit déjà qu’elle sera la plus coûteuse de l’histoire du pays. Derrière l’évènement aussi dramatique par son ampleur que par ses conséquences, le poids des relais médiatiques focalisés sur New York, interroge la place et le statut de nos mégalopoles mondiales à la mesure des cataclysmes naturels, mais aussi à celle, du fantasme collectif de « fin du monde ».
New York seule dans la tempête
La capitale économique des Etats-Unis aura été, le temps d’un ouragan, le centre des attentions. Sur les médias classiques mais surtout sur les réseaux sociaux, la ville aura capté à elle seule, une large partie des messages Twitter (près de 5,9 millions pour le mardi 30 octobre) et des publications Instagram.
Alors que le nombre des utilisateurs de ces outils sociaux présent sur place explique en grande partie l’expression de ces chiffres, rien en revanche, n’explique directement l’acharnement des médias à reprendre ces informations, d’autant que certaines d’entre elles s’avéraient fausses.
Comme si l’ouragan n’avait pas frappé le reste de la côte Est (ou très peu), encore moins, plus tôt, les Antilles, l’hyper catastrophisme urbain des médias et des utilisateurs des réseaux sociaux, apparaissent symptomatiques de plusieurs choses…
De la vulnérabilité des mégapoles à celle du monde
Les mégapoles ont peut être créé une forme de sécurité, elles ont aussi largement contribué, dépendamment de leur posture vis-à-vis du monde et des interdépendances « techniques » qu’elles entretiennent avec leur environnement, à accentuer la masse des vulnérabilités systémiques qu’elles abritent mais qui les dépassent.
Chantres durs du progrès, les mégalopoles n’ont eu de cesse, par la position qu’elles occupent dans le réseau des villes et des échanges mondiaux, de concentrer sans jamais, ou très rarement, redistribuer. C’est sans doute cette situation, celle qui fait que ces villes sont aujourd’hui des « outils » par lesquels tout ou presque, transite (ou est stocké), qui les rend, elles, mais aussi tout un système, très vulnérables face aux catastrophes naturelles en tous genres.
Lorsqu’une ville comme New-York s’arrête de vivre et que les « mécaniques » qu’elle met à la disposition du monde, se paralysent (réseaux de transports, de communications ou d’échanges immatériels) , il faut ainsi s’attendre à des répercussions accentuées et cela, aussi bien sur son propre territoire que, partout ou s’étend le réseau à l’intérieur duquel elle s’intègre…
New York sous les eaux : l’image tant espérée de la fin d’un monde
Outre l’attention médiatique portée récemment sur la mégapole new-yorkaise qui traduit en latence, une forme de peur que représenterait pour nos sociétés, la perte ou la perturbation de ce qui, indirectement, régit notre quotidien ou détermine notre affairement au travail, la fixation d’une espèce de « catastrophisme urbain » témoigne donc de sociétés fatiguées de leur propre modèle, partagées entre l’attente d’une vie meilleure et les désillusions permanentes.
New York, comme d’autres « villes-mondes », parce qu’elles représentent les extensions construites d’un système socio-économique mondialisé mais épuisé, tendent ainsi de plus en plus à cristalliser les projections de sociétés malades de leurs conditions et de la perte de leur croissance. Comme si ces villes devenaient en quelque sorte, les symboles de ce qui ne fonctionnerait plus et de ce que l’on voudrait détruire pour mieux recommencer.
C’est ce qu’explique notamment, Michaël Foessel, philosophe, dans son dernier livre « Après la fin du monde ». Sans forcément prendre en exemple, le cas de telle ou telle ville, celui-ci explique que « le sentiment exacerbé de crise favoriserait la croyance dans une catastrophe définitive ». « Pour de nombreuses raisons, la catastrophe s’est substituée au paradigme du progrès » reprend-il. Entre épuisement du modèle de croissance, sentiment révolutionnaire perdu, perception de plus en plus négative de la technique, dépolitisation… cette idée ancienne et biblique de catastrophe revient dans la modernité tardive de sociétés fatiguées d’elles-mêmes.
Cette perception très occidentale a ainsi tendance et de plus en plus à marquer les mégapoles. Il n’y a qu’à regarder d’ailleurs et pour s’en convaincre, le sort que l’on réserve à ces villes-mondes dans les grosses productions hollywoodiennes… Paris, Londres, Tokyo,… aucune n’a réellement échappé à une catastrophe fictionnelle.
Et pour ce qui est de New-York, on ne compte plus les références cinématographiques aux cataclysmes en tous genres. Des références qui, à l’image du film Le jour d’après ont d’ailleurs plusieurs fois fait leur apparition dans les tweets illustrés d’eschatologues amateurs ou d’utilisateurs alarmistes pris dans l’ouragan, à la limite du suicide préventif.
2 Commentaires
Le passage de l’ouragan Sandy sur les Etats Unis laisse un décors apocalyptique, digne des grandes productions cinématographiques US.
C’est incroyable les degats causés (j’ai halluciné sur les inondations et surtout la centrale électrique qui a explosé)
Reste à attendre que New York se montre intelligente et nous dévoile de beaux signes de résilience urbaine comme ce fut le cas à Bangkok l’année dernière, ou comme à Venise toute l’année…
Souvenez-vous, on en parlait sur urbanews ici :
https://www.urbanews.fr/2011/12/01/17286-epopee-de-la-resilience-urbaine-3-la-resilience-hip-hop/#.UJQ9t4Xquiw
Quoi qu’il en soit, cette catastrophe réveille la prise de conscience qu’il faille développer davantage des moyens de mitigation face aux risques naturels. Par exemple, peut-être qu’un réseau de transport souterrain à Manhattan n’a pas de sens quand on voit leur vulnérabilité, ou plutôt leur « forte capacité à se dérégler en cas de fortes intempéries ». Un moyen de mitigation simple serait d’orienter les politiques publiques vers une adaptation au risque d’inondation et d’adopter un moyen de déplacement aérien, avec accessibilité aux building dès le premier étage. On connait cette méthode pour les piétons (comme c’est le cas à Hambourg par exemple : http://goo.gl/maps/le4te), on peut facilement imaginer ces mêmes coursives comme autoroutes à vélo à la danoise, ou autres…
Bref, on attend trop souvent la catastrophe pour se montrer bons.
Nos villes seront « durables » qu’une fois qu’elles pourront (sciences techniques, génie civil, …) et saurons (science sociale, culture du risque, etc..) atteindre un état de résilience face aux risques.
Alors allons-y, selon vous c’est quoi et c’est comment la ville résiliente ?