Pour l’INSEE, la complexité des mobilités n’existe pas
Ce jeudi débutera la campagne de recensement de l’INSEE, et déjà, certains pointent du doigt les lacunes que présente l’organisme dans ses méthodes ou dans les référentiels utilisés. Récemment, Laurent Chalard, géographe, mettait ainsi en doute les chiffres annuels de la démographie française publiés par l’institution, soulignant que la marge d’erreur n’était très certainement pas de 15 000 individus comme le laissait penser l’INSEE dans une tribune parue au mois d’août dernier, mais qu’elle pouvait atteindre 1%, voire plus des résultats. Outre ces chiffres à prendre avec précaution donc, d’autres soulignent la faiblesse des documents transmis aux recensés, notamment en matière d’exhaustivité des données recueillies et de leurs rapports aux réalités de la décennie.
Le vélo, grand absent des données
Depuis 2009, la collecte annuelle des informations qui touche chaque année 1/5 de la population, interroge en particulier les trajets effectués entre le lieu de domicile et le lieu de travail.
Les formulaires, distribués dans chaque foyer, comportent une question sur le lieu de travail et une autre sur le mode de déplacement utilisé pour s’y rendre.
Parmi cette dernière catégorie, l’INSEE fait la distinction entre la marche à pied, la voiture ou la fourgonnette, les transports en commun et les deux-roues. Si l’institut prend la peine de réserver une case pour « absence de transports », comme incluant (outre les télétravailleurs ou, en latence, les personnes sans activités) tout individu alité 24h/24 ou présentant un surpoids tel, qu’il ne pourrait pas passer la porte de son domicile, il omet néanmoins de préciser ce qu’il entend par « deux-roues ».
Une négligence qui ne doit pas paraître anecdotique pour des villes comme Strasbourg, dont la part modale du vélo atteint 12% sur le centre-ville et 8% pour l’ensemble de la commune.
C’est quoi l’inter modalité ?
Déjà lésés dans leur statut de cyclistes, les répondants n’ont par ailleurs aucune possibilité de cocher plusieurs cases et doivent se contenter d’un seul mode de déplacement. A l’heure ou l’on tend vers des mobilités de plus en plus complexes et ou, les individus, dans leurs déplacements, ont recours à un nombre croissant de moyens de transports, cette particularité pose question.
En matière de statistiques liées aux déplacements, les formulaires de l’INSEE présentent de nombreux manques et ne sauraient témoigner que d’une réalité partielle. Ou se situer dans ce genre de questions et lorsque, seul un choix nous est offert, quand chaque jour nous sommes amenés à prendre notre vélo, changer pour un tramway puis finir le trajet à pied ? Et encore, c’est sans parler des rollers, des trottinettes et autres modes de transports alternatifs à la marche à pied.
En fait, comme le rappelle Olivier Razemon, il y a un écart énorme entre la réalité du quotidien des mobilités, leur hétérogénéité, et l’inertie du questionnaire de l’institut qui n’a jamais fait l’objet de modifications depuis dix ans ! Depuis ce temps, la voiture a pourtant cédé le pas et un peu de part modale à d’autres alternatives de déplacements. C’est un peu comme si l’INSEE était restée figée en l’an 2000 et que rien depuis, n’avait réellement changé dans les habitudes des gens sur la question des transports.
Un écueil, qui, selon François Clanché, chef de service du département de la démographie à l’INSEE, devrait prochainement être résolu. En tout cas, dans quelques années…
11 Commentaires
« Depuis ce temps, la voiture a pourtant cédé le pas et un peu de part modale à d’autres alternatives de déplacements »: et comment le savez-vous, si ce n’est grâce aux enquêtes ménages réalisées dans la plupart des métropoles avec la collaboration de l’Insee? Étudier des reports modaux et construire des indicateurs d’intermodalité requiert d’une part des investissements colossaux et n’a qui plus est aucune espèce d’utilité à l’échelle nationale. Vous voudriez sans doute que l’aménagement du territoire national prenne en compte un report modal de 2% de la voiture sur le vélo en ville pour décider de l’ouverture ou non d’une ligne TGV ou d’une autoroute? N’importe quoi… Taper sur l’Insee, voilà un geste bien sarkoziste qu’on aurait aimé voir tempéré aujourd’hui. Le propre des enquêtes nationales est de travailler sur des corpus comparables: une modification de questionnaire entraîne des conséquences énormes dans la requalification des cohortes. Il est normal d’y réfléchir à deux fois.
RT @Urbanewsfr: Pour @InseeFr la complexité des #Mobilités n’existe pas http://t.co/qaodb01m #Statistique
Cet article n’a pas vocation à dénigrer le travail de l’INSEE, ni même d’ailleurs les partenariats qu’il mène avec les collectivités. Il fait le constat d’une relative pauvreté des items concernant les questionnaires sur la mobilité alors que les évolutions dans ce domaines sont importantes.Pouvoir disposer de données globales, notamment sur l’approche de l’intermodalité selon les contextes territoriaux demeure pertinent. Disposer de statistiques nationales est une bonne chose, occulter une partie des phénomènes qu’elles cherchent à rendre compte en est une autre.
Mais d’où tirez vous que « les évolutions sont importantes » à échelle de dix ans? Vous êtes drôles! 🙂
La plupart des enquêtes ménages déplacements par exemple menées par le certu et les collectivités commanditaires, les données issues du covoiturage également
Eh bien voilà. CQFD. On ne demande pas au recensement d’entrer dans la granularité statistique des enquêtes ménages. Ça parait élémentaire, sauf pour quelques idéologues patentés comme Razemon. Qui plus est, je ne vais pas vous disputer la réalité de vos soit disant chiffres sur les reports modaux depuis dix ans, traduisant une immense « évolution » sociétale qui n’est que dans votre tête, notamment sur la mobilité douce et le covoiturage, mais il y aurait beaucoup à redire.
C’est moche quand même ^^
Si on veut des détails sur les déplacements, le recensement n’est pas très adapté. Son objectif est de donner des grandes tendances à l’échelle nationale, et non de décrire les habitudes de déplacements dans leur complexité : ce serait mettre la main dans un engrenage important…
Il serait bon de préciser dans l’article qu’un outil bien meilleur existe pour l’étude des déplacements d’un territoire : les Enquêtes Ménage-Déplacements. Elles prennent beaucoup mieux en compte la réalité des déplacements, mais sont du coup très coûteuses. Elles sont réalisés à l’échelle d’une agglomération, d’un département, tous les 10 ans environ.
Cela dit je suis d’accord qu’une catégorie « vélo » ou autre distinction « deux roues motorisés / non motorisés » serait utile et facile à mettre ne oeuvre. L’inter-modalité en revanche…
PS : le rafraîchissement automatique des pages est TRES TRES pénible quand on veut faire un commentaire un peu détaillé sur un article. J’ai dû m’y prendre à trois fois. Ca ne donne pas envie de débattre ici…
Bonjour,
Qu’entendez-vous par « rafraîchissement automatique » des pages ?
Bonjour,
Apparemment un paramètre du site provoque une actualisation des pages au bout de quelques minutes, lorsqu’on reste sur la même page. Je ne pense pas que cela vienne de mon navigateur.
Problème encore jamais rencontré mais on va enquêter ^^
Avez-vous pu tester avec un autre navigateur ? 🙂