Les représentations de la ville contemporaine permettent-elles de se projeter dans un avenir tangible ? L’usage des lieux est-il conforme aux plans imaginés par les architectes ?
En Europe, en Asie ou sur le continent américain, les vues d’artistes destinées à promouvoir des projets immobiliers reposent sur des mises en scène interchangeables : une population majoritairement blanche, blonde, jeune et féminine évolue sous des climats standardisés, les contrastes sont légers et les ombres peu prononcées. On ne vend pas seulement un produit, mais également la promesse qu’une réécriture de l’architecture peut engendrer une ville nouvelle. Tout ce qui se dresse entre le spectateur et le projet – arbres, véhicules, piétons, etc. – apparaît en transparence. Une représentation publicitaire du réel, qui traduit la place d’un individu partiellement absent du décor.
La série photographique « Ici prochainement« , par Alban Lécuyer, propose de transposer la réalité d’une pratique quotidienne de la ville et d’un habitat ordinaire, hérité de la seconde moitié du XXe siècle, dans l’esthétique du marketing immobilier. La présence des occupants du quartier, habitants ou simples usagers, met en évidence leurs singularités, leurs trajectoires et leur rapport au territoire d’une manière générale. Le cadre laisse entrevoir les inscriptions sur les murs, le linge ou les paraboles aux fenêtres, les objets abandonnés, l’usure – tout ce qui atteste qu’une civilisation produit des traces et marque les espaces qu’elle s’approprie. L’irruption d’une mémoire concrète des lieux contredit ainsi la valeur universelle et prospective des images.