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Pourquoi la SNCF lance Ouigo ?

Une opération communication

Alors que le coût d’un trajet TGV ne cesse d’augmenter, la SNCF se montre capable de proposer à ses clients de voyager pour moins de 25 € sur des trajets longue distance. Le TGV est de plus en plus concurrencé par des alternatives bon marché (covoiturage, avions low-cost) et moins bon marché (report sur la voiture), et subit une stagnation de sa fréquentation (-0,5% en 2012) : la SNCF se devait de contre-attaquer.

Barbara Dalibard lance coup sur coup de nouvelles offres séduisantes, à grands renforts de publicité et de médiatisation : les nouvelles offres ID TGV et TGV Ouigo. Voyages SNCF multiplie les services liés à l’information et aux services aux voyageurs (SMS et applications smartphone notamment), et veut bel et bien se montrer comme une société proche et à l’écoute de ses clients. Toutes les clientèles sont visées, du low-cost au haut de gamme.

Ouigo est la cerise sur le gâteau, le fer de lance pour attirer la génération Y prête à se détourner du train pour voyager moins cher. Même l’image du site, avec ses couleurs bleues et roses et ses formes rondes, représente le renouveau marketing de l’entreprise.

La nouvelle livrée des rames Ouigo, en bleu et rose. Crédits photo : Reuters

Un laboratoire innovant

Le système de gestion des quatre rames du service Ouigo est basé sur une exploitation de douze heures par jours. Les rames restent peu à quai, la maintenance est réalisée la nuit au centre de maintenance de Lyon. Ainsi, les rames gagnent en rentabilité.

D’autres innovations dans l’exploitation et la maintenance des rames seront expérimentées à bord, comme la création d’un unique conteneur à déchets par wagon pour minimiser les coûts d’entretien. Le but est de tester des systèmes innovants, avant de les déployer sur les rames TGV classiques. La SNCF se met en marche, pour améliorer sa productivité et sa compétitivité !

Une affaire rentable

Chaque supplément de services (électricité à bord, SMS d’informations, animal de compagnie, bagages supplémentaires) sera facturé, à l’image de ce qui se fait déjà chez les compagnies aériennes low-cost. En cassant les prix, la SNCF espère avoir des taux de remplissage plus élevé : un TGV classique rempli à 60% rapporterait autant qu’un Ouigo rempli à 100% !

Une promotion de ses gares isolées

Élément peu évoqué, mais les gares desservies sont loin d’être les plus rentables du réseau.

Ainsi Lyon Saint-Exupéry a coûté environ 120 millions d’euros à l’époque de sa construction, soit deux fois plus qu’Avignon TGV construit 8 ans plus tard. Et la gare accueille actuellement 1 300 voyageurs par jour, c’est à peine plus que la gare de TGV Haute-Picardie qui possède deux fois moins de quais, et qui est surtout située dans une région beaucoup moins dense. La gare de Marne-la-Vallée / Chessy bénéficie d’une fréquentation « dopée » par les usagers faisant la navette entre l’aéroport CDG et la « gare Mickey ».

Carte des destinations Ouigo. Crédits photo : SNCF

Ces deux dessertes extra-urbaines permettent donc de promouvoir des gares isolées et de rediriger une partie du trafic voyageurs qui menace de saturer Paris Gare de Lyon et Lyon Part-Dieu. L’offre Ouigo est donc aussi un moyen de donner une seconde jeunesse à des gares sous-utilisées compte-tenu de leurs capacités.

Gare TGV de Lyon Saint-Exupéry. Crédits photo : Patrick Guyennon

En approfondissant un peu, cela questionne la position de la gare dans la ville, en particulier dans les grandes métropoles où les gares de centre-ville ont peu de possibilité d’agrandissement. Ces « gares betteraves », selon le mot de Jacques Santrot alors maire de Poitiers, seraient donc redynamisées et rentabilisées par le système du low-cost, dans lequel la SNCF externalise le coût de la desserte du centre-ville. Le voyageur Ouigo devra payer le complément entre sa gare de destination et le centre-ville (taxi, RER, navettes pour rejoindre la gare). La gare ne dessert plus la ville, c’est la ville qui dessert la gare !

Et l’avenir ?

On évoque déjà la desserte du Sud-Ouest en Ouigo. Sur le même modèle, on imagine déjà les départs depuis la gare de Massy TGV (une autre gare TGV francilienne qui peine à trouver sa rentabilité), puis un arrêt au Futuroscope (dont la construction a coûté « seulement » 10 M€, qui a été épinglé par la Cour des Comptes, et qui continue de fonctionner pour environ 200 voyageurs par jour), et enfin une arrivée à Bordeaux Saint-Jean.

La stratégie actuelle du groupe SNCF semble gagnante  compte tenu des résultats de 2012. Guillaume Pepy reste aux manettes de l’opérateur français pour 5 ans supplémentaires : la stratégie de l’énarque va-t-elle suffire face aux défis actuels d’un renouveau du système ferroviaire français ?

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