Comme un escargot que l’on effleure du doigt et qui se réfugie dans sa coquille, les Citta Slow coréennes sont allègrement indiquées sur la carte touristique nationale mais ne sont pas aisément accessibles. Il faut aussi comprendre les agents des offices de tourisme : deux européens qui souhaitent s’écarter des chemins tracés pour aller visiter… un trou perdu, ça a de quoi déconcerter.
Le mouvement Citta Slow
Revenons à nos gastéropodes, car l’escargot est aussi le logo des Citta Slow, ode à la lenteur pour contrer l’explosion urbaine parfois insensée.
Le mouvement des villes lentes est né en 1999 en Italie, quand le maire de Greve (en Toscane), Paolo Saturnini, proposa une alternative au développement actuel de sa commune. Il s’inspira du concept de Slow Food, en opposition au Fast Food, qui promeut la nourriture locale et saisonnière. Depuis, il y a 177 Citta Slow à travers 27 pays, dont 12 en Corée du Sud.
Les conditions pour se voir attribuer le label sont nombreuses et concernent les trois piliers du développement durable : économie, social et environnement. Après une première visite du comité de CittaSlow International, un contrat est alors passé entre la commune et l’association sous la forme d’un projet de développement à court terme. Après cinq ans, le comité de Citta Slow revient visiter la commune, constate l’évolution, rencontre les responsables et décide ou non de la continuité du programme.
Damyang, un exemple de Citta Slow en Corée du Sud
La Citta Slow que nous avons visité se trouve à une heure de route de Gwangju dans le sud-ouest de la Corée du Sud.
C’est par un bus local que nous nous sommes rendu à la Citta Slow de Damyang, dans le village de Changpyeong-Myeon. L’agent de l’office du tourisme a tenu à attendre à l’arrêt avec nous afin de donner des instructions au chauffeur. Grand bien lui en a pris car nos trois mots coréens de vocabulaire et notre ignorance dans l’alphabet de Sejong [1] ne nous auraient jamais permis de descendre au bon endroit.
Lâchés au milieu d’un village faussement moderne, le chauffeur nous désigne une ruelle à suivre. Les locaux ouvrent de grands yeux en nous voyant descendre du bus, mais feignent très vite de ne pas s’intéresser à nous, de peur que l’on vienne leur parler. Une pancarte à l’effigie de l’escargot nous rassure sur notre localisation et nous nous engageons dans la ruelle.
Nous débouchons sur un terrain à l’abandon avec, trônant en son milieu, une petite maison flanquée d’un énorme escargot jaune. En s’approchant, le jardin ressemble plutôt à un espace en jachère. La maison abrite une brève exposition sur les activités et événements organisés dans le village grâce à Citta Slow. Malgré quelques mots en anglais, les explications sont majoritairement en coréen et je découvre le sentiment de frustration des archéologues si près du but.
La découverte du village se poursuit par une promenade à travers les rues inanimées. Exception faite des 4×4, les rues sont typiques et font honneur à l’architecture coréenne. Elles sont bordées de murs à hauteur d’homme et cachent des maisons traditionnelles entourées de jardins colorés. A la sortie du village, des champs de riz nous accueillent avant que le relief empêche notre regard de voir au-delà. Et c’est là, un peu à l’écart, que se trouve le centre d’accueil de la Citta Slow. Cette fois-ci pas d’escargot pour nous saluer, ce sont les cris d’enfants en sortie scolaire qui ont attisé notre curiosité.
Les employés du centre ont été étonné de voir débarquer deux Européens (même si nous avons appris par la suite qu’un Allemand vivait à Damyang). Heureusement l’une d’entre elles parlait un peu anglais. Le centre propose, en coopération avec les habitants de la Citta Slow, des activités culturelles coréennes : cuisine, initiation aux plantes médicinales locales, fabrication de bougies traditionnelles… La plupart sont en coréen et disponibles uniquement sur réservation. Nous avons eu toutefois le privilège d’une visite un peu particulière pour nous faire découvrir le fonctionnement de Damyang avec à la clé la confection d’un album photo polaroid sur le modèle des livres coréens.
La visite a été complète : explications architecturales et historiques, visite de maisons traditionnelles dont certaines ont été reconverties en chambres d’hôtes, dégustation de plats locaux et discussions avec les habitants grâce à notre guide-interprète improvisée.
Le mouvement Citta Slow en Corée du Sud
La Corée du Sud est souvent décrite comme le moteur de la nouvelle économie verte asiatique. Le pays a, du moins dans ses écrits, largement parié sur l’équilibre entre son développement économique fulgurant et la préservation de ses ressources, notamment de son héritage patrimonial et environnementale.
Les Citta Slow s’imposent comme gardiennes des coutumes et traditions nationales et locales, non pas dans un objectif de conservation mais avec une idée de partage et de faire-vivre. Le concept en Corée du Sud est une nouvelle pierre au mur d’un développement alternatif à la folie urbaine que l’on remarque dans les plus grandes villes asiatiques.
Tous mes remerciements aux employés du centre d’accueil de Damyang, et au professeur Yang, vice-président du réseau Slow City en Corée du Sud, pour leur temps et leurs réponses à mes nombreuses questions.
[1] Sejong le Grand fut le roi qui inventa l’alphabet Hangeul au milieu du XVème siècle afin de remplacer les caractères chinois utilisés jusque là et de permettre à son peuple de maîtriser l’écriture plus facilement.