Clément Blanchet : « L’agence sera un laboratoire »
L’hybridation entre le métier d’architecte et celui d’urbaniste n’est plus à démontrer. Au fond, nous sommes tous acteurs de la ville qui se transforme, à la recherche de liens et de cohérence entre un projet et un contexte… D’ailleurs, de plus en plus, on remarque la présence de ce fameux tiret entre les différentes professions : architecte-urbaniste, architecte-paysagiste, ingénieur-urbaniste, urbaniste-sociologue, toutes les combinaisons imaginables sont possibles. Comme un moyen de satisfaire le besoin de se démarquer d’une masse floue, consciente de la seule vérité qui compte : la ville est complexe, elle se dessine nécessairement à travers plusieurs domaines de compétences.
Clément Blanchet, ex directeur d’OMA France créé sa propre agence – Clément Blanchet Architecture – et a bien l’intention de faire évoluer la pratique. Tel un manifeste de sa vision de la profession, l’interview qui suit explore les tendances de ce monde hybride entre la conception et la réalisation d’un projet urbain durable. Lisez plutôt.
Une vision de la profession d’architecte
[UN] : Comment envisages-tu l’avenir de la profession d’architecte et comment comptes-tu intégrer ses nouvelles dimensions au sein de ta nouvelle agence ?
La profession doit se tourner vers une vision collective et finalement unitaire du projet urbain. En fonction des sujets, j’activerai un réseau de connaissances qui nous permettra de répondre de manière très spécifique au sujet à élaborer/traiter. C’est un mécanisme à la fois souple et performant qui exploite l’instabilité, créée par la diversité des collaborateurs, comme outil de force répondant immédiatement aux problèmes exposés.
L’agence sera structurée comme un laboratoire, informant et générant l’architecture et l’urbanisme sous toutes ses formes. Ce sera une pratique radicale et collective. Je ne pense pas que l’architecture puisse uniquement se nourrir des idées d’un architecte unique et solitaire.
Aujourd’hui je conçois la profession comme un moyen de produire de l’architecture. Cependant, Il ne s’agit pas toujours d’inventer mais aussi de mieux représenter le monde qui nous entoure. Il faut se donner les moyens de voir et de savoir. Peut-être épuiser l’ensemble des outils disponible pour à la fois représenter l’architecture mais aussi pour la produire, la penser, la concevoir. C’est également se rendre indépendant de la production pour tenter de comprendre, au niveau le plus élémentaire, ce qui se passe dans le monde et comment certains phénomènes affectent l’architecture.
[UN] : Tu remets presque en question le mode de travailler d’une agence classique finalement… Le fait de vouloir se structurer comme un laboratoire implique de laisser une grande part à l’expérience, comment comptes-tu « vendre » cet aspect méthodologique ?
[CB] J’imagine mettre en place des « pools » de connaissance, où l’ingénierie serait au cœur du processus de conception. Finalement, le travail de l’architecte vise à découvrir et activer des voies et/ou stratégies pour répondre au mieux à la problématique locale. Je ne pense pas au processus qui dit que l’architecture est terminée lorsque la copie d’un concours est remise. Il y a tout un travail itératif avec le client à faire et ce jusqu’à la livraison – voir même après – pour que l’architecture apparaisse. Je pense que la maitrise d’ouvrage doit participer activement dans ce parcours créatif.
L’architecture se conçoit en quelques mois et paradoxalement elle doit durer des décennies. Mon objectif est naturellement d’optimiser une méthode efficace et exhaustive pour valoriser le meilleur choix dans le parcours créatif. Il faut juste un peu d’énergies et une équipe solide, et savoir résister pour créer. Voilà la philosophie de ma nouvelle l’agence !
[CB] C’est naturellement un futur thème. Mais ça ne peut pas être une source unique de connaissance. C’est le problème des statistiques, qui deviennent sources de connaissance. Je pense que dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme il y a parfois des limites à la démocratie participative.
Dans un monde embobiné et angoissé par ce filon du « beau », du paraître, nous nous exposons à un mitraillage de signes, outils médiatiques, couleurs, explorations fantaisistes dans l’architecture… L’architecte survit dans un modèle activé par des signaux de l’immédiateté, de la consommation du beau, sans parfois rendre même lisible sa propre pensée, dite garante d’une certaine pérennité. Il est nécessaire de repenser le modèle et de prendre une distance critique à ce bombardement de superlatifs parfois même illisibles.
Clément Blanchet, ex-OMA
[UN] Pourquoi vouloir changer de structure alors que l’OMA semble promis à un avenir radieux grâce aux nombreux concours glanés ces dernières années ?
[CB] Dix ans c’est un bonne durée pour mettre fin à un cycle. J’ai vécu une série de phénomènes intenses, théoriques mais aussi opérationnels, ce sont les 45 projets que j’ai suivi à l’OMA qui m’ont permis d’acquérir une méthode personnelle qui m’ouvre désormais les portes de plusieurs outils, une grammaire de réponses ultra critiques, contextuelles et spécifiques que l’architecte-urbaniste peut ainsi manipuler.
J’ai naturellement été exposé à une culture architecturale internationale et j’ai aussi dirigé plusieurs projets. Je veux conserver cette pensée globale et connectée. Je chercherai à développer la pensée de l’agence à l’international, notamment au Danemark (où j’enseigne) mais aussi en Suisse et en Italie. Mes objectifs sont de pouvoir exporter et importer des pensées.
Naturellement, je continuerai aussi à collaborer avec OMA, en tant que consultant local pour développer un certain nombre de projets.
[UN] : As-tu déjà une idée du « noyau dur » qui constituera ton équipe projet pour les premières années à venir ?
[CB] : Oui, et ce bureau multidisciplinaire travaillera à plusieurs échelles; de la conception d’intérieurs à celle d’ équipements culturels publics, tout en considérant des approches spécifiques dans les domaines de l’éducation, du logement, de l’infrastructure, du paysage et de l’urbanisme.
L’agence cherchera à créer un organisme stable, multiple, où toutes les cultures seront représentées. Ce (petit) noyau dur permettra de représenter un équilibre en soit multiple et je chercherai à trouver des partenariats qui étendront cette envie de partage et de mélange des connaissances.
[UN] Comment penses-tu orienter les choix de conception et de réalisation pour ton agence ?
[CB] Je m’attacherai à ce que toutes les échelles d’un projet soient traitées avec la même attention, la même énergie. Lors de ces dernières années, j’ai toujours trouver que les limites entre l’architecture et l’urbanisme étaient floues, voir impossible à définir. Je cherche une temporalité longue… finalement faire de la ville et de l’architecture ce n’est pas du temps court, immédiat, facile. Il doit se nourrir et murir.
[UN] : Tu enseignes et participes à beaucoup de conférences depuis quelques années, est-ce un moyen pour toi de former ou plutôt de t’influencer à la nouvelle pratique de l’architecture ?
[CB] : Actuellement, j’enseigne avec Marlene Ghorayeb et Jacques Sautereau le 3ème cycle de l’Ecole Spéciale de Paris. L’enseignement engage les étudiants vers les problématiques de la vie de l’architecte. C’est une formation finalement professionnelle. Actuellement nous travaillons sur le thème si récurrent de l’étalement urbain sans vouloir trouver des miracles mais plutôt des changements simples et lisibles autour de l’infrastructure mais aussi du pavillonnaire et sa typologie.
A l’école de Paris Malaquais avec Thierry Mandoul, nous nous penchons sur les problématiques des villes émergentes notamment et nous développons une recherche sur Chandigarh (question du patrimoine et de la modernité, ainsi que des problèmes de ressources d’énergies). Depuis quelques temps, je pars en moyenne deux fois par an en Inde, et c’est un pays fascinant. Nous ferons très prochainement une exposition à la Cite de l’Architecture dans le cadre du cinquantième anniversaire de la mort de Le Corbusier.
Enfin, je continue mes séminaires à Copenhague, ou je rencontre une motivation forte et plus immédiate sur les questions du paysage et de la définition d’une potentielle ville durable… On m’enseigne plus que je n’enseigne !
L’avenir : développer une équipe de maîtrise d’œuvre ad hoc ?
Finalement, créer sa propre agence en 2014, c’est la concevoir comme un laboratoire de recherche visant une application de leur concept presque en temps réel. La tendance sourit aux start’up et autres associations DIY : créer puis expérimenter sur le terrain et voir ce que ça donne. Si le modèle est un échec, on le corrige et réorganise jusqu’à obtenir satisfaction.
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L’avenir de la profession selon CLEMENT BLANCHET. Et vous, vous l’imaginez comment votre agence de maîtrise d’oeuvre…http://t.co/StD2dA6WxK
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Super ITW de @C_Blanchet sur @Urbanewsfr ! #Architecture http://t.co/nHhP06EHvy
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