Capitale de l’État du Paraná, Curitiba est sans doute la plus européenne des villes Brésiliennes. Souvent citée comme modèle pour sa planification urbaine et son implication dans le développement durable, la Ville abrite l’Arena da Baixada, un des stades qui accueille en ce moment même certains matchs de la Coupe du Monde de Football 2014.
L’explosion démographique et l’expansion urbaine de ces dernières années ont pourtant mises à mal le célèbre modèle de Curitiba. Ainsi, la population aurait quasiment triplée entre 1970 et 2013, passant de 650 000 à 1 850 000 brésiliens, entraînant de nombreux bouleversements et changeant quelque peu le visage de cette ville idéale.
Pour comprendre le modèle de Curitiba, basé sur l’anticipation l’adaptation et l’amélioration progressive, il faut remonter le temps. Alors que la cité connaissait une croissance prospère, en 1970, l’architecte Jaime Lerner, diplômé de l’université de la ville, fit une série de suggestions visant à conserver la taille humaine de Curitiba, craignant que celle-ci ne perde peu à peu son caractère.
La jeune équipe créative d’architectes et d’urbanistes dirigée par Lerner envisage la restructuration de Curitiba, abandonnant le modèle historique de développement radial pour lui substituer une expansion selon cinq axes principaux, sensés capter la croissance. Et de ce fait attirer les nouvelles constructions résidentielles et commerciales le long des axes de transport associés. Cinq avenues à six voies de circulation sont donc crées, les voies centrales accueillant des couloirs de bus.
L’un des symboles de cette transformation est sans aucun doute la piétonnisation de la Rua XV de Novembro, réalisée en quelques jours, véritable emblème du choix de développement préconisé par les dirigeant de Curitiba, et première grande rue piétonne d’Amérique Latine. En parallèle, des mesures sont prises pour la préservation du secteur historique, la création d’espaces publics de qualité, la maîtrise des déchets, le contrôle du trafic dans le centre et la création d’un réseau de transport abordable, extrêmement performant, véritable colonne vertébrale du nouveau Master Plan de la Ville.
Traversant les époques, le réseau de bus de Curitiba, notamment devenu célèbre pour ces tubes d’embarquement, compterait quelques 221 stations-tubes réparties sur 340 lignes. Au total, ce sont plus de 11 000 kms de lignes, dont 60 km de voies réservées, le tout emprunté par plus de 2000 bus… Mais le système de transports conçu à l’origine pour transporter 54 000 voyageurs par jour doit aujourd’hui en satisfaire plus de 3 millions… notons que malgré l’allongeant des files d’attente aux tubes d’embarquement, 80% des déplacements urbains sont encore réalisés en bus.
L’utopie verte et sociale montre ainsi quelques signes d’essoufflement face à une problématique récurrente au Brésil : l’explosion démographique. Victime de son succès et de sa belle image, Curitiba n’en finit plus d’attirer de nouveaux brésiliens, et affichait encore récemment, le plus fort taux de croissance du Brésil.
Actuellement, la ville offre encore une qualité de vie tout à fait convenable – sans doute l’une des meilleures au Brésil – mais la complexité sociale, la croissance de la population, l’étalement périphérique de la ville, les problèmes de criminalité sont en expansion. Les dernières municipalités ont par ailleurs concentré leurs efforts sur la gestion du transport individuel au détriment du transport public, des piétons et des vélos, ce qui avait pourtant fait la force du modèle de Curitiba.
Complétant l’ombre au tableau, les travaux nécessaires à l’accueil des matchs du Mondial ont également amplifié les difficultés quotidiennes. Le modèle qui avait si bien fonctionné pendant de nombreuses années, conjuguant développement maîtrisé, respect de l’environnement et des populations peine à se réinventer, Curitiba a peu à peu perdu sa capacité d’innovation en matière de développement urbain, qui avait fait de son modèle une véritable réussite…