Les réseaux urbains – transports, voirie, énergie…- n’ont pas échappé à la révolution numérique. Elle ouvre dans ce domaine des options de pilotage et de gouvernance au potentiel immense, le socle de la « ville intelligente », dont le fonctionnement comme le confort de vie et la durabilité sont optimisés.
Les fondements de l’informatisation des réseaux urbains
« On peut définir l’informatisation des villes comme un processus d’ensemble conduisant à formaliser et à automatiser la production d’informations nécessaires à la gestion urbaine », écrivait en 1993 Gabriel Dupuy dans un article de l’Annuaire des collectivités locales (1). Si à l’époque, c’est surtout en matière d’informatisation de la gestion administrative que l’on innove, depuis, les réseaux urbains aussi ont indéniablement connu leur révolution numérique. Car un fait nouveau est venu tout changer : il est désormais possible de recueillir et de stocker des données multiples relatives au fonctionnement et à l’utilisation de ces réseaux. Les systèmes permettant de relever, de conserver et d’analyser les données de consommation (compteurs d’eau, de gaz ou d’électricité) se sont généralisés, tandis que les outils d’observation du fonctionnement de la ville se sont développés (flux de circulation, transports, puces sur les bacs à ordures…). Cette « couche informationnelle qui s’insinue partout et envoie des messages », telle que la décrit Antoine Picon, spécialiste de l’architecture et des techniques (2), rend possible une nouvelle gouvernance des réseaux urbains. C’est bien là toute son utilité : « l’informatisation permet, grâce à une modélisation adéquate, d’optimiser la conception du système et les investissements », explique Gabriel Dupuy.
L’optimisation de la gestion des réseaux urbains
Le relevé des flux de circulation sur la voirie par exemple permet de dresser des états des lieux et des analyses prédictives afin de fluidifier le trafic. IBM a mis en place des systèmes de ce type à Rio de Janeiro ou à Stockholm notamment. L’informatisation permet aussi l’optimisation de la gestion du stationnement, enjeu important car il est source de congestion de la circulation – avec des conséquences non négligeables en matière de pollution… et de stress. Les systèmes reposant sur l’installation de capteurs pour repérer les places libres et informer les automobilistes se développent, avec par exemple l’offre Parksense de Smart Grains (déployée à Issy-Les-Moulineaux), celle de Cofely Ineo (comme à Angoulême), ou encore celle issue de l’association entre Orange et la start-up Streetline annoncée en 2013, pour développer ce système de « stationnement intelligent ».
Et l’informatique est également en train de révolutionner la gouvernance des réseaux énergétiques. Les smart grids, ou réseaux intelligents de distribution de l’énergie, sont des systèmes basés sur la collecte puis le croisement des données relatives à la consommation mais aussi à la production d’énergie. (Voir à ce sujet un billet de Bruno Morleo publié sur UrbaNews.fr en 2013) Il est alors possible de mieux piloter, paramétrer et réguler les réseaux électriques selon les usages, et les sources de production potentielles de l’énergie, notamment en y intégrant plus efficacement les énergies renouvelables. « L’utilisation des technologies dites intelligentes permet d’adapter progressivement les flux d’énergie au besoin réel des citoyens et de mieux rapprocher production et consommation », explique Thomas Peaucelle, directeur général délégué de Cofely Ineo, filiale de GDF-Suez spécialisée dans les réseaux électriques et énergiques, et les systèmes d’information et de communication. Les expériences menées par Cofely Ineo, comme par exemple Smart ZAE à Toulouse, à l’échelle d’une zone d’activité, confirment le potentiel des smart grids : des économies d’énergie, des usages rationalisés, une exploitation facilitée des sources renouvelables, et finalement une nouvelle façon de concevoir et d’utiliser le réseau pour une efficacité énergétique globalement optimisée.
Transversalité et agrégation des données : les nouveaux outils de la gouvernance
Et comme l’informatique touche désormais l’ensemble des réseaux urbains, elle offre ainsi une possibilité nouvelle : celle de disposer de tableaux de bord de gestion transverses, qui intègrent et présentent sous forme opérationnelle les informations issues des différents domaines urbains : eau, énergie, déchets, circulation… « Le défi de la ville intelligente c’est d’essayer de se faire parler entre eux des secteurs qui étaient auparavant dans des silos », explique Nathalie Leboucher, directrice smart cities chez Orange. Bernard Parajo, directeur de l’agence régionale de l’énergie de Vigo en Espagne, qui utilise la plate-forme Greencity de Schneider Electric, le confirme : « une ville intelligente est une ville capable de relier toutes ses activités à une stratégie commune ».
L’exemple de la plate-forme urbaine multi-métiers et multi-services développée par Cofely Ineo répond à cet objectif : elle propose un outil global de pilotage et d’aide à la décision, sous forme d’un tableau de bord réalisé à partir de la collecte et l’analyse des données hétérogènes issues des différents secteurs de la ville (énergie, population, déplacements…). La ville de Courbevoie, qui a récemment adopté la solution Cit’ease, qui repose sur cette plate-forme développée par Cofely Ineo, souligne la valeur ajoutée des outils de ce type : « en agrégeant des données différentes, Cit’ease permet d’affiner notre vision stratégique de la ville, mais aussi du bassin de vie », a déclaré Pierre Bordeaux, l’adjoint au maire.
Si la gouvernance des réseaux urbains connaît une nouvelle ère grâce à l’informatique, il faut se prémunir – comme ailleurs – des visions techno-centrées : l’outil doit rester au service des usages, de la stratégie, et des gestionnaires. Car comme le disait Gabriel Dupuy déjà il y a plus de 20 ans : « ce n’est pas […] l’informatisation qui exonèrera les acteurs de la ville de leur responsabilité quant aux choix qui concernent les citadins… »