Un récent détournement auquel s’est livré un hacker lillois illustre parfaitement les dérives d’un environnement urbain, marqué par une sur-utilisation du numérique.
La Métropole contemporaine est, en effet, indéniablement numérique, c’est une ville qui se développe désormais en bénéficiant de l’apport des TIC, à l’aide d’outils de simulation et de modélisation notamment, pour améliorer son fonctionnement. C’est une ville dont les éléments (que ce soient les conduites de gaz ou d’eau potable, les feux rouges, ou bien sûr les utilisateurs de la ville) sont connectés, reçoivent et produisent en permanence des données qui peuvent être récupérées et utilisées en temps réel pour optimiser son fonctionnement.
Mais c’est surtout une ville qui « se virtualise » : sous les effets de la révolution numérique – les technologies numériques personnelles se développent à une vitesse croissante, bouleversant les structures urbaines, économiques, sociales et culturelles de la ville actuelle – elle devient de plus en plus communicante, relationnelle, interactive grâce, à la prolifération des technologies, dans l’espace urbain, mais également, à la mobilité des individus qui ne cesse de s’accroître, tout en s’augmentant de capacités numériques.
Ainsi, le contexte urbain contemporain devient actif, tactile, intégrateur de contenus. Les outils numériques se mettent au service des usagers, pour leur indiquer la prochaine station Velo’v disponible, la qualité des restaurants alentours, l’histoire du quartier, la promotion en cours sur un produit, les itinéraires de délestage, les personnes souhaitant co-voiturer, l’état de la pollution de l’air ou les places de stationnement disponibles à proximité…
A Lille, le hacker lillois « IVoidWarranties » a souhaité agir pour pousser les gens à s’interroger sur la vulnérabilité des innombrables appareils électroniques qui nous entourent. Muni d’un simple ordinateur portable et d’un émetteur radio, ce dernier a pu réaliser un véritable piratage des panneaux d’affichage urbain, arborant en lieu et place du décompte des places de stationnement, le message de son choix comme en témoigne la vidéo ci-dessous.
Une petite prouesse rendue possible par l’absence de cryptage du système de transmission radio contrôlant les caractères affichés par ce type de panneau, vieux de plus de 20 ans et également utilisé pour les affichages autoroutiers…
Cette anecdote n’est pas sans rappeler l’un des célèbres jeux de l’éditeur de Jeux-Vidéos « Ubisoft », baptisé « Watch Dog » et s’inscrivant pleinement dans les enjeux contemporains de la ville numérique. Le joueur incarne ainsi un hacker professionnel à la pointe de la technologie, qui, grâce à son smartphone, peut obtenir n’importe quelle information sur les personnes qui les entourent (profession, âge, statut sérologique, taux de violence…), pirater leurs conversations téléphoniques pour les écouter à leur insu, brouiller les réseaux, voire même reconfigurer les feux tricolores pour créer des accidents… Ainsi dans le jeu, tout ce qui est connecté au système central de gestion de la ville peut devenir une arme potentielle…
La Ville Numérique n’est pas qu’une joyeuse utopie… Certaines des potentialités de cette nouvelle couche technologique qui envahie l’urbanité posent de nombreuses questions d’éthique et de sécurité. Comment fixer les limites de cette révolution invisible ? Comment en limiter les abus ? Les autorités compétentes doivent-elles accompagner la construction de cette nouvelle « strate urbaine numérique » ? Quelles sont les « conditions » d’une Ville Numérique ? En abandonnant les réseaux physiques d’alimentation et de contrôle de processus, les réseaux urbains semblent effectivement de plus en plus vulnérables…