Un désastre écologique et sanitaire. Les mots ne sont pas trop forts pour décrire la situation dans laquelle Marseille est engluée depuis de nombreuses années. En cause, les ordures qui polluent le quotidien des Marseillais jusqu’à qualifier la cité phocéenne de « ville poubelle ».
Mais au-delà de la réputation de la deuxième ville de France, c’est bien la santé des habitants et la qualité de l’environnement qui sont en jeu. Cela ne semble pas interpeller les pouvoirs publics et encore moins les entreprises de gestion et de tri des déchets qui font leur beurre sur cette situation.
Ecologie urbaine : « kezako » ?
Marseille accuse un net retard en matière d’écologie. C’est indéniable et c’est même la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM), qui l’affirme. Il faut dire que les Marseillais produisent plus de 430 kg de déchets ménagers par habitant alors que les Lyonnais, par exemple, n’en produisent que 309 kg. Inciviques les Marseillais ? A en croire, Guy Tessier, président de la métropole, « l’africanisation des comportements » y est pour beaucoup. Guy Tessier poursuivi pour diffamation raciale s’est depuis excusé pour ces propos violents, mais la situation d’insalubrité reste scandaleuse et les tensions autour de la gestion des déchets dans la cité phocéenne persistent. En cause, les multiples grèves des éboueurs. La ville disparait régulièrement sous ses ordures, de quoi exaspérer les Marseillais. La saga autour du « fini-parti », cette pratique qui permet aux agents de rentrer chez eux une fois qu’ils estiment leur tournée terminée, a rajouté une couche d’ordures dans les rues.
Mais si Marseille est clairement une mauvaise élève de l’écologie, l’Etat et les collectivités sont clairement à blâmer. Exemple flagrant : les questions de tri des déchets. Ecoforum, un réseau d’associations écologistes, a recueilli le témoignage édifiant d’un éboueur, qui ne sent « pas fier » et qui avoue que les déchets de la « sélecte collective » se retrouvent mélangés aux autres ordures. « C’est une escroquerie envers les citoyens qui font des efforts pour trier et qui font confiance aux responsables. Si nous sommes capables de suivre le trajet d’une lettre en France, nous devrions pouvoir en faire de même pour nos déchets, sans qu’il y ait besoin que les citoyens prennent en filature un camion pour dénoncer une tromperie » s’insurge Victor Hugo Espinosa, président d’Ecoforum.
Egalement dans le viseur, certaines entreprises de ramassage et de gestion des déchets dont certaines sont accusées de profiter du marché juteux des ordures ménagères et de favoriser l’incinération des déchets qui coûte moins cher que leur valorisation. C’est d’ailleurs ce que dénoncent les détracteurs du projet d’incinérateur de déchets ménagers qui évoquent une véritable « pompe à fric » gaspillant les deniers publics. La justice a d’ailleurs récemment jugé que le bail et la construction de l’incinérateur étaient illégaux.
L’affaire est dans le sac (poubelle)
Et des affaires comme celle-ci, Marseille en connait de nombreuses. La ville est sérieusement gangrenée par le trafic de déchets et de corruption dans les marchés de la gestion des ordures comme le rappellent les affaires des frères Guérini. C’est même toute la région qui subit les petites affaires entre amis, politiques et entrepreneurs peu scrupuleux. Le groupe Pizzorno, dépeint comme « le roi des ordures » à Toulon est attaqué sur des prélèvements issus de la décharge dont il a la gestion : agents chimiques et métaux lourds, pollutions des eaux souterraines et de surface, contamination des couches sédimentaires, la liste est longue.
Car au-delà des affaires judiciaires qui ne rendent pas honneur à la démocratie locale, les inquiétudes concernent les risques environnementaux et sanitaires qui sont considérables pour les habitants. Que dire des déchets toxiques qui s’amoncellent dans les rues de Marseille ? Plusieurs affaires de déchets hospitaliers ont éclaté ces dernières années. Pas moins de 3 tonnes de déchets infectieux ont par exemple été retrouvées dans les entrepôts de la société Cogepart. Or l’encadrement de ces déchets toxiques est strict et la moindre négligence constitue une violation du droit. L’enquête a ainsi révélé que des restes humains mais également des couches souillées et des seringues utilisées étaient stockées sans précaution particulière par la société dirigée par Jérôme Dor. Ce dernier laissait ses hommes procéder à la collecte sans protection et allait même jusqu’à compacter ces déchets pour alléger sa facture. Ces omissions sont gravissimes pour le respect de la santé humaine. Et les décharges sauvages se multiplient dans toute la ville et ses alentours.
Greenwashing ?
Marseille tente malgré tout de rattraper son net retard grâce notamment à un plan d’action de MPM et des initiatives citoyennes. Avec son plan de prévention et de gestion de déchets, le conseil général vise une réduction de la production d’ordures ménagères de 30 % en 2016. De plus, Marseille compte sur une amélioration du taux de recyclage des déchets ménagers pour atteindre 50 % en 2026. Mais qui s’occupera des fraudeurs qui semblent bien installés dans la région ? Le plan semble à s’y méprendre à un bon outil de Greenwashing. Le doute est permis quand on voit que les seules mesures de prévention et de sensibilisation se réduisent à des maigres campagnes ou à des gadgets tels que les puces électroniques qui ont été implantées dans les conteneurs pour prévenir les éboueurs lorsqu’ils sont remplis. Un bon coup de comm’ donc! De quoi s’insurger contre l’absence de politiques de fond en matière de réduction et de gestion des déchets. Car c’est bien la santé des Marseillais et l’environnement qui trinquent. Encore !