La ville frontière a été conçue pour fédérer deux nations sur un même territoire, une nouvelle approche pour créer une unité internationale en ces temps où certains politiques sont obsédés par la création de murs aux frontières. Proposée par l’architecte Fernando Romero de l’agence FR-EE lors de la biennale de Londres, ce projet visionnaire entreprend de développer une ville nouvelle à l’intersection des états du Texas, du Nouveau Mexique et du Chihuahua, sur près de 29 000ha.
Fernando Romero, dont l’agence FR-EE est basée à Mexico, avait déjà proposé un concept similaire en 2001, avec la création du « Bridging Museum » entre les villes de Juarez et El Paso surplombant le Rio Grande. Ce musée devait accueillir l’histoire commune des Etats-Unis et du Mexique, avec d’importantes expositions sur le thème de l’immigration.
Le plan de la ville est centré sur la frontière existante, dont l’aire urbaine s’étale de part et d’autre. Cela peut sembler utopique, mais Romero est déterminé à faire exister son projet, et il est d’ores et déjà en négociation avec de nombreux promoteurs et les propriétaires des terrains. Il espère faire de son projet une réalité dans 10 ans.
Convaincu que le concept de frontière est un concept primitif à l’ère de la mondialisation et de la libre circulation des biens et personnes, il estime urgent et indispensable de passer outre cette territorialisation binaire source de tant de divisions.
« C’est une vision à long terme, une vision qui déconstruit la nécessité d’un mur en pensant de manière ambitieuse à la relation mutuelle entre deux pays à leur frontière, explique l’architecte. C’est aussi une réflexion sur la réalité quotidienne, et sur la multitude d’échanges qui coexistent déjà en créant une dépendance mutuelle forte. »
Le plan masse est à l’image de ses convictions, avec une ville polycentrique intégrant de multiples polarités économiques et plusieurs centralités interconnectées. Le concept spatial s’établit sur un maillage composé de multiples hexagones, avec leur propre centre, connectés à des corridors de transport et à des passages frontaliers.
Administrativement et économiquement, si son projet est réalisé, la ville deviendra une zone spéciale, presque semi-indépendante, telle qu’Hong Kong ou Andorre. Hors des statuts, la ville vise à accueillir un développement résidentiel et économique très important, bénéficiant de tous les côtés positifs d’une situation transfrontalière.
De nombreuses villes bénéficient déjà de la proximité transfrontalière le long du Rio Grande, en dépit d’une absence totale d’une planification maitrisée et d’une réelle réflexion urbaine pour accroitre la connectivité transfrontalière.
Si ce projet aboutit, il sera le plus grand projet de coopération transfrontalière entre les Etats-Unis et le Mexique. Le projet le plus ambitieux qui pourrait aboutir à une coopération politique plus importante et à l’abrogation pure et simple des frontières.
De nombreuses questions restent à élucider : sur la définition du statut territorial, sur la gouvernance, sur les modalités de mobilité transfrontalière… Dans le but d’éviter que la ville ne devienne un casse-tête politique et social tel que Jérusalem, ou El Paso, voir un énième paradis fiscal.