Construction : la sécurité incendie revient sur le devant de la scène
En première ligne suite à un accident dramatique, la réglementation en matière de sécurité incendie se fonde sur la compréhension de la propagation du feu dans un bâtiment. Des principes qui doivent être pris en compte dès la conception du bâtiment et le choix des matériaux…
Le 6 août 2016, l’incendie du bar Cuba Libre à Rouen faisait 14 morts. Suite à ce drame, la ville annonçait deux mois plus tard la fermeture totale ou partielle de quinze bars musicaux pour manquement aux règles de la sécurité incendie. De son côté, le ministre de l’Intérieur demandait davantage de contrôles via une circulaire adressée aux maires… Et plusieurs villes de France, comme Lille ou Toulouse, décidaient également, après avoir mené des contrôles inopinés, de fermer par décision administrative un certain nombre de bars. Cette prise de conscience, faisant suite à un accident dramatique, a remis la sécurité incendie sur le devant de la scène.
Tous les établissements recevant du public sont en effet encadrés par une réglementation rigoureuse et spécifique, tout comme, par ailleurs, les immeubles de grande hauteur, les bâtiments industriels et les bureaux, les installations classées, les garages et les parkings, mais aussi les bâtiments d’habitation, classés en quatre familles en fonction de leur hauteur. Les exigences varient bien sûr selon la destination et l’activité du bâtiment, sa taille et le nombre de personnes qu’il accueille, mais la philosophie reste la même.
Les grands principes de la réglementation
Les grands principes de la réglementation visent à la fois à minimiser les risques d’éclosion du feu, à limiter la propagation de l’incendie, à évacuer les personnes en danger et à faciliter l’intervention des secours. La prévention se traduit par des mesures portant sur la conception des bâtiments et contribuant à restreindre la propagation de l’incendie : compartimentage, cloisonnement, stabilité, choix des matériaux… Quant à la prévision, qui vise à assurer, dès l’origine, la découverte d’un feu et la mise en œuvre immédiate des moyens d’extinction, elle se matérialise par la mise en place de systèmes de sécurité : sprinklers, alarmes, détecteurs, services de gardiennage…
Les réponses constructives aux exigences de la sécurité incendie intègrent en particulier des dégagements permettant une évacuation rapide des personnes vers l’extérieur, des structures et des planchers résistant au feu ou s’opposant à son passage, mais aussi des écrans d’isolement entre le feu et les personnes à évacuer, destinés à arrêter l’incendie le plus longtemps possible. Dans la conception matérielle d’un ouvrage, ces notions se traduiront simultanément par le choix de structures suffisamment résistantes et stables au feu, de planchers, de murs et de gaines verticales coupe-feu, de dispositifs de passage ou d’isolement pare-flammes et de toitures limitant la propagation du feu.
Les évolutions réglementaires sont souvent le fruit de l’expérience des catastrophes, elles reposent sur la compréhension du feu et de sa propagation dans une construction. Trois composants sont nécessaires au développement du feu : le combustible (les matières), la source d’énergie (une flamme), le comburant (l’air). Le démarrage du feu se produit par l’inflammation des matériaux combustibles situés à proximité immédiate du foyer initial. Au cours de cette phase, les matériaux de revêtement des murs et des plafonds sont les plus exposés : s’ils sont inflammables, ils participent au développement du feu.
L’inflammation est suivie de l’embrasement généralisé des matières ou des produits contenus dans la pièce ou le local. Une phase qui ne dépend que de la quantité de combustible et de la dimension des ouvertures. Ensuite, le feu peut éventuellement se propager aux autres pièces ou aux bâtiments voisins – par radiation, convection ou « effet cheminée ». Le feu est en effet un phénomène dynamique compliqué qui peut conduire à la destruction d’un bâtiment.
Les matériaux classés selon leur comportement au feu
C’est au stade de démarrage du feu qu’il est particulièrement important que les matériaux utilisés pour les parois soient capables non seulement de maintenir la stabilité de l’ouvrage mais également d’empêcher le passage des flammes et de la fumée. Le code de la construction et de l’habitation prévoit une classification des matériaux en fonction de leur comportement en cas d’incendie. Deux critères sont appréciés : la réaction au feu, qui dépend de la capacité du matériau à alimenter le feu et à lui permettre de se développer, et la résistance au feu, qui correspond au temps pendant lequel les éléments de construction peuvent continuer à jouer leur rôle malgré l’action de l’incendie.
Pour la réaction au feu, les matériaux sont classés en deux groupes, combustibles et incombustibles, et en six classes (A1 à F), selon leur degré croissant d’inflammabilité. Certains matériaux sont, par essence, incombustibles et ininflammables, comme le béton, la pierre ou l’acier. Tandis que ce dernier présente toutefois des risque d’effondrement au-delà de certaines températures, comme le relève l’INERIS (Institut National de l’Environnement Industriel et des risques), le bois – même traité grâce à des vernis ou des peintures intumescents, « absorbe et élimine avec le temps l’action des produits ignifugés ».
En matière de résistance au feu, trois critères sont utilisés : la résistance mécanique, l’étanchéité aux flammes et aux gaz chauds, et l’isolation thermique. Si seul le premier critère est rempli, l’élément de construction sera classé « stable au feu » (R selon le classement européen). Si les deux premiers ont satisfaits, il sera classé « pare-flammes » (E). Et si les trois qualités sont combinées, il sera classé « coupe-feu » (EI ou REI). Le degré de résistance au feu d’un élément de construction ou d’un ouvrage s’exprime également en temps de stabilité au feu, mesuré lors d’essais : de un quart d’heure à six heures.
Privilégier les constructions en béton ?
Par nature incombustible et classé A1 sans essais préalables, le béton évite tout risque de transmission directe du feu. Et comme il monte lentement en température, il prévient également les risques de transmission de l’incendie par conduction. Soumis à la température d’un incendie (autour de 1 000 °C), le béton n’atteint au bout d’une heure que 350 °C à 3 cm de profondeur et 100 °C à 7,5 cm. Des températures très en deçà de celles à partir lesquelles les caractéristiques du matériau sont affectées de façon sensible (environ 600 °C).
Une paroi en béton peut, sans protection rapportée, présenter un degré coupe-feu allant jusqu’à deux heures. Et un mur en blocs de béton cellulaire de 15 cm d’épaisseur ou un simple mur de blocs creux de 20 cm arrêteront et isoleront thermiquement le feu durant quatre heures. Ces raisons expliquent l’efficacité de la protection assurée par une paroi en béton, tant du point de vue de sa stabilité que de la propagation du feu. Le béton armé, en particulier, constitue une solution économique et sûre dans la réalisation de structures résistant au feu et de parois jouant un rôle coupe-feu. Ses performances sont largement supérieures aux exigences requises pour la plupart des bâtiments. Le béton se révèle aussi particulièrement adapté à la réalisation d’écrans coupe-feu.
Offrant différentes solutions techniques, les murs séparatifs coupe-feu en béton permettent de séparer deux bâtiments ou deux parties d’une même construction, afin que tout incendie se déclarant d’un côté ne puisse pas se propager de l’autre. Ces ouvrages, qui s’opposent à la fois au passage des flammes, des gaz et des fumées, répondent aux exigences les plus élevées de la réglementation et des assurances.
En façade, le béton permet également de limiter fortement le flux thermique transmis à l’environnement par rayonnement et constitue ainsi un écran thermique. Utilisé depuis son origine pour lutter contre le feu, le béton reste donc la solution privilégiée en matière de sécurité incendie.
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