Comment continuer à investir dans les projets urbains ?
Dans un contexte budgétaire contraint et un climat d’incertitude plutôt défavorable à l’investissement public, les collectivités territoriales doivent trouver des solutions afin d’optimiser leurs budgets pour continuer à investir dans les projets urbains.
Les annonces successives du gouvernement ont ainsi pu refroidir un certain nombre d’élus locaux au moment d’élaborer leurs budgets. Comment prendre en compte la suppression de la taxe d’habitation ? La baisse généralisée des dotations, les transferts de compétences vers les Communauté de communes et les économies indéniablement nécessaires au sujet des dépenses de fonctionnement ?
Un véritable casse-tête auquel viennent se greffer l’augmentation des dépenses nécessaires à l’accueil de nouveaux habitants : le développement d’équipements et d’infrastructures publiques est soumis à des normes toujours plus gourmandes et à des enjeux contemporains comme par exemple la transition énergétique qui peuvent rendre ces projet plus coûteux. Une complexité indéniablement renforcée pour les territoires en proie à des phénomènes de décroissance, sur lesquels les investissements publics sont plus que jamais nécessaires. Sans moyens cohérents tout ceci semble très compliqué. Il existe pourtant plusieurs pistes à étudier pour continuer à investir sur ces territoires.
Distinguer et choisir la bonne dépense
Une idée simpliste qui est pourtant loin d’être généralisée… Compte tenu du contexte restrictif, il semble indispensable de hiérarchiser les investissements pour éviter les doublons et prioriser ceux-ci en se questionnant sur leur utilité réelle, leur caractère obligatoire ou encore la création de richesse qu’ils seraient en capacité d’induire. Il faudra, par exemple choisir entre, le maintien d’un service public, ou des investissements massifs sur un programme de renouvellement urbain. Les collectivités sont-elles encore en mesure de maintenir le niveau de services offert aux habitants ? Lorsqu’un service de public est sous-financé et ne peut plus répondre correctement au besoin, peut-être faut-il alors envisager des alternatives privées ? Aux élus d’évaluer quel projet aura un impact décisif sur leur territoire. Ce qui est certain c’est que des choix forts sont à opérer et qu’il faudra les déconnecter des logiques politiques et électorales classiques.
Pour y remédier, cette capacité de sélection et d’évaluation peut être renforcée en associant le public grâce à des dispositifs de participation citoyenne. Bien qu’historiquement ce genre de procédés ne soit pas dans la tradition des collectivités où il est parfois difficile de dépasser les cloisonnements institutionnels, certaines collectivités ont franchi le pas, avec des idées intéressantes comme le budget participatif qui permet aux habitants de s’exprimer sur les priorités du mandat en matière d’investissement public. Ces initiatives doivent être encouragées, toutefois à l’heure actuelle, la part du budget affectée est encore trop faible. L’exemple notable est celui de la Ville de Paris où l’on évoque 5% du budget d’investissement confié aux habitants sur le mandat. Depuis 2014, 416 projets ont ainsi été sélectionnés par les parisiens. Pour les plus curieux, la plateforme mise en place par la Ville de Paris permet de suivre l’avancée des projets financés par le budget participatif. Au final les citoyens n’ont pas forcément la main sur les projets d’envergure… alors véritable avancée ou opération de communication ? A vous de juger.
A noter une potentielle retombée indirecte de ces initiatives sur le civisme fiscal : les budgets participatifs auraient effectivement un impact sur la confiance des citoyens en l’impôt. A Guadalajara au Mexique, les citoyens votent le budget participatif… au moment de payer leurs impôts. Ils décident alors quels projets leur argent doit financer. Imaginez vous cocher vos priorités pour le développement de votre quartier en payant votre taxe d’habitation ?
Anticiper
C’est du bon sens, mais il semble intéressant de rappeler que la prospective et la construction du budget sont deux sujets intimement liés. L’idée est notamment d’intégrer systématiquement à la réflexion sur l’opportunité de tel ou tel projet ou service, les coûts de fonctionnement, d’entretien et de renouvellement. Les impacts indirects et la capacité à valoriser les produits issus d’un projet sont également à prendre en compte.
Prenons le cas concret d’un centre-ville en perdition. Il faudrait par exemple évaluer les impacts indirects d’un projet massif de requalification d’espaces publics. A court terme, ce genre de projet peut effectivement déséquilibrer un budget. Toutefois à moyen et long terme, il est possible de dégager de nombreuses pistes d’économie. Un centre-ville embelli est par exemple beaucoup plus attractif pour les investisseurs afin d’envisager le renouvellement de bâtiments dégradés. De même, l’attrait commercial retrouvé peut également dégager un certain nombre de ressources fiscales, idem pour l’installation de nouveaux ménages etc. Cette notion d’impact secondaire est primordiale lorsqu’il s’agit d’envisager la faisabilité d’un projet ou la mise en oeuvre d’un service public. Une notion qui n’est bien évidemment pas compatible avec les logiques d’opportunité non réfléchies.
Mutualiser
Une piste d’économie non négligeable, et un grand chantier qui s’inscrit dans la logique des schémas de coopération intercommunale et des regroupement d’EPCI. Il s’agit notamment de raisonner à des échelles de territoire, plus pertinentes, pour mettre en oeuvre des projets en favorisant les partenariats entre structures.
Les coûts de personnel peuvent par exemple être mutualisés. Les économies induites sur le fonctionnement sont non négligeables. Ce grand chantier de la mutualisation permet également à des petites communes ou et des territoires plus ruraux aux moyens limités d’envisager la mise en place d’une ingénierie et d’une expertise avancée. Dans ces cas là, cette contrainte financière peut alors se transformer en opportunité…
Le financement participatif, une alternative crédible ?
Par le biais des plateforme en ligne, le financement participatif, ou crowdfunding, permet de recueillir des fonds en faisant appel à un grand nombre de personnes. Depuis fin 2015, il est effectivement plus facile pour les collectivités de faire appel à ce type de financements. Ces nouvelles possibilités sont intéressantes puisqu’elles permettent par exemple d’accroître l’implication locale des habitants dans la mise en oeuvre des projets. Et donc de potentiellement faire diminuer les coûts relatifs à d’éventuels recours, ou les surcoûts attachés à une lourde procédure de concertation… Malheureusement, le Code Général des Collectivités Territoriales limite fortement les types de projets pour lesquels peuvent être mis en œuvre ce type de participation. Un petit tour sur Collecticity, une plateforme de financement participatif dédiée aux Collectivités territoriales, lancée en 2015 permet d’avoir un aperçu de quelques projets financés jusqu’ici et des montants engagés. KissKissBankBank, le numéro 1 du crowdfunding français possède également un espace dédié au collectivités.
Au final à l’heure actuelle, cet outil s’apparente plus à un outil de communication, de mobilisation des citoyens, que comme un véritable outil de financement. Les sommes engagées par le financement participatif ne représentent, en général, qu’une petite part du budget global de l’opération. Un assouplissement de la réglementation pourrait permettre aux collectivités d’aller un peu plus loin… Reste toutefois à prendre en compte l’acceptabilité des citoyens, puisqu’en principe, leurs impôts sont d’ores et déjà sens financer les projets des collectivités
Valoriser les produits et les ressources
Une des clés semble être d’identifier précisément ce qui peut créer de la valeur et peut être à l’origine de valorisations nouvelles pour chaque territoire et chaque collectivité.
C’est par exemple une problématique commune à de nombreuses collectivités : l’accumulation d’un parc immobilier, coûteux à entretenir et pas toujours adaptés aux besoins. Pourtant, une gestion plus active et plus optimisée de cette ressource immobilière pourrait dégager des économies non négligeables. Afin de gérer au mieux ce patrimoine, il est primordial de s’assurer de la connaissance de ce dernier… La gestion active consiste ensuite à s’assurer que les biens conservés sont adaptés à leur utilisation et sont également optimisés en terme de surface et de coûts de fonctionnement. Les contraintes d’accessibilités ou les nouvelles normes énergétiques devraient par exemple pousser les collectivités à démolir pour reconstruire plutôt que de « bricoler » des solutions non pérennes. On en revient au choix forts à opérer par les élus en ces temps de contraction budgétaire.
La valorisation des données publiques est également une piste à étudier pour des effets sur le long terme. C’est un vaste chantier dont de nombreuses collectivités ne perçoivent pas encore l’intérêt, mais la réglementation imposera de toute façon aux collectivités et aux administrations publiques de publier les données recueillies dans le cadre de leurs missions de service public : statistiques, cartographies, horaires, données économiques, sociales, touristiques, financières… La mise à disposition gratuite de ces données peut d’une part favoriser la modernisation des services publics, la lisibilité et la transparence de ces derniers, mais surtout favoriser l’émergence de nouveaux services que les collectivités ne sont plus en mesure d’offrir, et produire des gains en termes de projets locaux et de cohésion sociale.
En mode pilote !
Au final, le challenge pour les collectivités consiste à transformer la contrainte financière en opportunité pour qu’émergent des solutions innovantes et performantes. Dans ce contexte compliqué, la question de la gestion est centrale. Cette gestion doit notamment produire sa transformation en passant d’une idée plutôt archaïque d’un contrôle institutionnel à l’idée d’un mode de gestion « piloté » en « mode projet ».
Le mode de contrôle, plus classique, s’inscrit effectivement dans une logique de court terme, quantitative et de surveillance des politiques publiques. C’est dans ce cadre-là qu’est très souvent fait le choix de réduire l’investissement public, qui à court terme est un coût et dont les rendements ne se font sentir que quelques années plus tard… A contrario, le pilotage suit plutôt une logique de long terme, qualitative et d’optimisation de la dépense publique… Faut-il alors contrôler ? Piloter ? Piloter en contrôlant ? Contrôler en pilotant ?
0 Discussion