La ville est organique, elle est vivante, intègre des flux, des secteurs qui souffrent, d’autres qui la régénèrent. L’urbanisme bio-inspiré nous permet de l’appréhender comme un écosystème vivant dans lequel chaque activité humaine, grande ou petite, courte ou pérenne, influence le tout. Il est nécessaire d’y maintenir un équilibre, de la faire évoluer en considérant sa valeur environnementale par une approche systémique à somme nulle ou positive. En responsabilité sur les compétences urbaines et environnementales, les collectivités doivent rapidement changer d’échelle, passer de l’écoquartier à l’écocité, en structurant la planification et les projets urbains au profit d’une bascule environnementale.
Le « plan de résilience ecosystémique urbain » est un projet territorial fédérant autour de la puissance publique des acteurs trop souvent éloignés des documents de planification urbaine : les entreprises de l’économie verte, les spécialistes de la mutation des organisations, les acteurs de la construction immobilière, les chercheurs, les écologues et les environnementalistes. Ces nouveaux partenaires de la métamorphose des villes coopèrent avec l’urbaniste pour inscrire l’activité humaine dans le battement organique de la nature et donner ainsi un nouveau souffle à la ville en respectant les usages et le confort des habitants qui l’animent.
Afin de fédérer cet ensemble d’acteurs, les collectivités doivent concilier la « résilience technologique », qui cherche à répondre aux problèmes environnementaux par de l’innovation technologique, et la « résilience collaborative », qui propose un changement comportemental pour plus de vertu environnementale et de lien social. En fusionnant « l’adn de résilience » de ces deux approches, les collectivités peuvent se replacer au coeur d’une transition rapide et rassurante qui trouverait une concrétisation par la rédaction du « plan de résilience ecosystémique urbain ».
Au sein du Plan de résilience écosystémique urbain, sont définies les « trames régénératrices » : verte, brune, bleue, noire et blanche. Chacune permet de baliser une continuité écologique de la biodiversité animale et végétale que ce soit, respectivement, au niveau du sol, sous-terre, en milieu aquatique et sur les berges et enfin, en faveur des espèces diurnes. Par leur dimension permaculturelle, ces « trames régénératrices » sont la respiration organique du « Plan de résilience écosystémique urbain ». Elles permettent d’inverser la courbe d’impact de l’activité humaine sur la nature : d’une activité qui détruit la nature vers une activité régénératrice !
Une fois ces trames définies au sein du « Plan de résilience écosystémique urbain », apparaissent alors des « zones de régénération là où les trames se superposent, et des « zones d’impact » là où les trames régénératrices ne sont pas ou peu présentes. Les zones de régénération et les zones d’impact sont des territoires morcelés de la ville auxquels il est possible de donner une « valeur environnementale », grâce à la transposition de l’approche « Ecosystem Service Review ». L’ESR permet en effet d’évaluer les services rendus par les écosystèmes existants ou à reproduire : l’apport en eau, les ressources énergétiques, la dépollution de l’air, la pollinisation, la lutte contre les espèces, nuisibles et invasives, l’atténuation des îlots de chaleur, la limitation des phénomènes climatiques extrêmes.
Ainsi, tout projet (immobilier, agricole, d’équipements publics) qui se développe dans une zone de régénération doit contribuer à rehausser la valeur environnementale de la zone. L’appréciation de l’effort de contribution par le porteur de projet en définit sa pertinence pour le Plan de résilience écosystémique urbain, justifiant ainsi une liberté d’innovation architecturale et une modulation favorable de la fiscalité qui lui est imposée. Un projet, qui est au contraire situé dans une zone d’impact, n’a pas de capacité régénératrice (les centres historiques, la densification de tissus pavillonnaires…), sa création de valeur environnementale étant faible, la modulation fiscale appliquée à sa valeur économique en sera proportionnellement inverse.
En définitive, alors que l’envie de changement des citoyen-nes n’a jamais été aussi forte, et alors que les universités et entreprises qui pensent et construisent la ville ont des propositions concrètes à mettre en oeuvre, c’est au nom de l’intérêt général qu’elles portent que les collectivités doivent maintenant se transformer pour s’insérer dans le champ relationnel écosystémique qui vient d’émerger. En s’inspirant de la nature, et par analogie de contexte et d’opportunités, des experts peuvent les accompagner dans une mutation rapide et éco-efficiente. Régénérées par cette métamorphose, les collectivités pourront donner le cap, canaliser les énergies du changement, afin de tracer le sillage opérationnel et organisationnel permettant de relever le défi du 21ème siècle : mettre l’urbanité en harmonie avec la nature.
Cet article s’inscrit dans le cadre de mes travaux d’étude sur la métamorphose de la planification urbaine face à l’urgence environnementale, une transformation innovante inspirée de la nature : « l’urbanisme biomimétique ».
Diffusion de ma publication : février 2109