Chaque printemps, depuis maintenant plusieurs années, L’ONU via l’Institut Canadien de recherches avancées publie son très attendu « World Happiness Report ». Le palmarès entend mesurer le niveau de bonheur de 156 pays en se basant sur un certain nombre de critères notés de 1 à 10 en lien avec la perception de la qualité de vie.
Selon les auteurs, la Finlande serait le pays le plus heureux du monde pour la deuxième année consécutive. La France, qui avait gagné huit rangs en 2018, recule à la 24ème place. Au-delà des résultats de cette enquête qui dessinent une tendance selon laquelle le bonheur aurait reculé un peu partout dans le monde, cette étude montre toute l’importance qu’il convient d’attacher à l’amélioration de notre cadre de vie : l’endroit où nous vivons est l’un des paramètres indispensable à notre bonheur.
La population mondiale tendant à devenir de plus en plus urbaine, il semble nécessaire de réfléchir à la construction de villes plus humaines nous rendant plus heureux. Mais quelle serait la recette de ce bonheur urbain ? En 2018, une étude de l’association Familles Rurales concluait que vivre à la campagne incarnait la “vie idéale” pour 81% des sondés. Faut-il alors nécessairement vivre à la campagne pour être heureux ? Est-il possible de concilier bonheur et vie en ville ?
Sans prétendre apporter une réponse exacte, on constate que de nombreux thèmes d’ores et déjà abordés sur UrbaNews.fr semblent se recouper pour répondre à cette interrogation. (Travail sur la qualité des espaces publics, villes ludiques, villes marchables, participation citoyennes etc.). Même si le bonheur ne se calcule pas de façon savante et qu’il est difficilement comparable puisque globalement dépendant des aspirations de chaque individu, on peut penser qu’une ville heureuse est une ville où l’on se rapproche d’un mode de vie calme et serein, dans un cadre apaisé et moins pollué, où il fait tout simplement bon vivre.
Dans cette « Happy City« , les habitants se sont réappropriés leurs multiples lieux de vie, les individus sont tous connectés autour d’une vie de quartier, le lien social constituant le vive ensemble est retissé grâce à des projets fédérateurs et participatifs. Une description légèrement utopique mais qui rejoint l’idée d’un nécessaire ralentissement de nos rythmes urbains afin de réduire les problématiques d’anxiété ou de stress qui amènent au mal-être de certains citadins.
Le concept de Slow City ou Citaslow – que nous évoquions déjà en 2013 à travers l’expérience sud-coréenne d’une contributrice – est une réponse qu’apportent certains décideurs à cette logique d’une modération joyeuse et plus durable de nos modes de vie. Ce réseau de « villes lentes », regroupe aujourd’hui environ 200 villes dans 30 pays différents. Afin d’apaiser la ville, le groupement des Slow Cities propose 70 critères répartis en 7 domaines avec notamment :
- la valorisation des savoir-faire et du patrimoine architectural local à travers la rénovation du bâti ;
- la création d’événements locaux culturels ;
- la multiplication des espaces publics et des zones piétonnes, le développement de pistes cyclables et de réseaux de transports alternatifs ;
- la réduction de la consommation énergétique ;
- le développement des commerces de proximité ;
- la mise à niveau des équipements publics ;
Derrière cet exemple, s’esquisse ni plus ni moins qu’un besoin de ré-humanisation de l’espace urbain. Il s’agit notamment de retrouver une échelle d’aménagement, une densité et un rapport entre les pleins et les vides plus favorable au bien-être des individus.
Les Pays Nordiques qui trustent les sommets du World Happiness Report 2019 s’inscrivent dans cette logique à travers une production urbaine se voulant dense et compacte laissant en revanche une large place à la nature. Le rapport privilégié des habitants à la nature, la symbiose de cette dernière avec le bâti et la trame urbaine, sont sans doutes des éléments qui permettent d’expliquer qu’il fait bon vivre en ces froides contrées.
Ralentir la Ville serait donc une piste intéressante afin de la rendre plus heureuse. Cette réflexion autour du bien-être urbain pourrait également passer par un travail plus général sur la thématique des ambiances urbaines. Avec l’urbanisation croissante de l’espace, on se rend compte que la standardisation du bâti dans ses formes géométriques a pu contribuer à la construction d’un paysage urbain monotone. Cette répétition fait que les ambiances urbaines sont de moins en moins source de stimulation sensorielle, d’inspiration créative ou de sollicitation imaginative. Les villes perdent alors peu à peu leur identité et l’individu a plus de difficultés à interagir avec ce milieu standardisé.
Afin de tendre vers une ville plus heureuse, la création urbaine contemporaine doit également tenir compte des environnements sensoriels en diversifiant ses esthétiques paysagères. Il ne s’agit plus seulement d’appréhender visuellement le paysage urbain, mais bien de construire un environnement dans lequel on peut ressentir des situations urbaines diversifiées, éprouver à travers celles-ci, la fabrique sensible d’une ville plus humaine où il fait bon vivre.