Les nouveaux lieux de loisirs urbains : vers des villes d’attractions ? (1/2)
Arkose, The Void, Escape Hunt, Sensas, MeowWolf, Illucity, Koezio, Exalto, iWay, Little, Big City, Kidzania, Aerodium, Teamlab, …. La plupart de ces noms vous sont probablement inconnus. Peut etre en connaissez-vous un ou deux, rencontrés à l’occasion d’une sortie originale ou d’un voyage à l’étranger. Mais si vous les connaissez tous, vous êtes alors fasciné comme moi par la ville des loisirs.
Car il s’en est passé des choses depuis le théâtre grec, le cirque romain, les ginguettes des bords de fleuve, les premiers Luna Park et les complexes Laser Game / Bowling des années 90 perdus en périphérie… Les loisirs et les divertissements ont toujours eu leur place dans la ville mais cette fonction ludique et récréative est rarement considérée en tant que telle dans l’analyse urbaine, habituellement et légitimement centrée sur les fonctions essentielles des villes que sont l’habitat, le commerce, le travail, la citoyenneté ou encore la culture. Même les attributs attachés plus récemment à nos cités comme la durabilité, l’inclusivité et la productivité ont encore écarté un besoin essentiel de l’urbain quelque soit son âge : s’amuser.
Il est vrai que la seule notion de loisirs étant déjà vague, il en va de même pour les loisirs urbains, complexes à appréhender dans leur globalité. Il existe en effet de multiples manières d’occuper son temps libre de manière ludique et elles sont propres à chacun. La plupart s’effectuent d’ailleurs à domicile, dans la sphère privée (télévision, jeux de société, bricolage, …).
De nouveaux lieux
Que dire alors du développement important – quoique que plutôt discret il est vrai – de ces nouveaux lieux dédiés aux loisirs et spécialement installés depuis quelques années dans tous les lieux de la villes, centre et périphérie. Un développement à l’image, par exemple, des « escape games » dont plus de 720 enseignes et de 1900 salles ont ouvert depuis 2015. Un nouveau classique du divertissement urbain qui ne s’est pas développé seul :
- Les enseignes de sport loisirs comme Climb’Up, Arkose ou Let’s Jump – Trampoline Park ont créé des réseaux croissant de dizaines de salle ;
- Les séminaires d’entreprise se font désormais dans des salles de simulation dynamique (iWay, Aviasim,…), sur un terrain de Basket (Hoops Factory) ou en chute libre indoor (iFly,…) ;
- Occuper ses enfants par une journée pluvieuse passe immanquablement par un Gulli Park ou un Royal Kids ;
- Les musées et expositions sont désormais immersives (Atelier des Lumières, La Mer XXL,…) ;
- L’afterwork entre collègues ne se limite plus à une bière ou à un petit foot à 5 en salle mais intègre maintenant un lancer de hache (Les Cognées, Les Frères Jacks,…) ou un combat d’Archer (Archery Tag,…)
- La piscine municipale autrefois dédiée à l’apprentissage et à la pratique de la natation est devenue un centre nautique intercommunal équipé de toboggans, spa et aires de jeux aquatiques pour les plus petits ;
- La visite d’une ville ou d’un site historique se fait de plus en plus à l’aide d’une application ludique (Augmenteo,…) ;
- De véritables parcs d’aventure indoor ont vu le jour comme Koezio, Time Tripper, La Cage, Aerokart si l’on se limite à nos frontières ;
- Les places publiques comportent des aires de jeu d’enfant de plus en plus spectaculaires (Playgones, Pro-Urba, David Steinfeld,…) et parfois même des jeux aquatiques (« splashpads » de l’entreprise Vortex) ;
- Plus récemment enfin, ce sont les nouvelles applications loisirs de la réalité virtuelle qui ont généré la création de lieux dédiés inédits et très novateurs (The Void, Illucity, Virtual Room, Geekopolis, Cahem, …).
Comment qualifier tous ces lieux ? Comment simplement les nommer ? Parle t’on d’équipement sportif ? De salle de jeu ? De lieu culturel ? De centre de loisirs ? De complexe de divertissement ? De parvis récréatif ? Toute segmentation ne permet pas de prendre la pleine mesure de leur développement et de leur apport à la matière urbaine. En revanche, les considérer comme un tout, les observer les uns en complément des autres apporte une nouvelle cartographie et une autre lecture de la ville : celle d’un lieu d’expériences et d’attractions.
De nombreux facteurs sociaux et sociétaux peuvent expliquer le fort développement de ces nouveaux lieux urbains de divertissement et il y’aurait de quoi y consacrer plusieurs publications. Mais parmi eux, retenons surtout :
- L’essor de l’activité en ligne, communication et consommation, qui a probablement généré en réaction une recherche d’expériences originales, à vivre seul ou en groupe mais « in real life ».
- Le recul de l’implication des collectivités sur les loisirs, dans un contexte de budgets contraints, laissant ainsi une place importante aux projets alternatifs privés en concurrence les uns avec les autres.
- Une augmentation générale du temps libre ainsi que son fractionnement pour toutes les tranches d’âge de la population française associé à la diminution progressive des tailles des logements et en proportion de l’équipement de loisir qu’il abrite.
- Le développement et la démocratisation de technologies et de matériels nouveaux ou autrefois réservés à d’autres activités (spectacle, sport de haut niveau, …)
Parcs-ville et des villes-parcs
Il existe plusieurs liens rapprochant l’univers de la ville à l’univers des parcs d’attractions. Par exemple l’analyse de Coney Island par Rem Koolhaas dans New York Delire ou encore le concept initial de Walt Disney pour EPCOT (Experimental Project Community Of Tomorrow) en Floride.
Hors des villes, les parcs d’attraction et les grands sites de loisirs – lieux dédiés au divertissement et conçus dans ce seul but – affichent une réussite florissante et évoluent de plus en plus vers un modèle de « resort » à l’américaine à l’exemple d’un site comme le Puy du Fou. Ils peuvent ainsi comporter en plus du parc initial, un ou plusieurs hôtels, un centre de congrès/conférence, un second parc ou un parc aquatique, une salle de spectacle ou encore des commerces et restaurants. Mais ce qui est vrai pour le développement des parcs existants ne l’est pas forcement pour les nouveaux projets, régulièrement objet de contestation, de conflits politiques ou simplement d’abandon pour raison économiques.
Dans ces nouvelles destinations, la sortie à la journée est alors remplacée par une escapade de deux ou trois jours comme une grande capitale européenne pourrait en faire l’objet. Le parc d’attraction deviendrait-il « ville » ?
Et pourrait-on alors dire qu’en réaction la ville deviendrait « parc d’attraction » ? Une alternative pour un divertissement de proximité de quelques heures ? Les nouvelles expériences de divertissement urbain pourraient tout à fait s’assimiler à des sortes d’« attractions » disséminées dans le tissu urbain. Elles sont réservables au préalable, seul ou en petit groupe et combinables à d’autres expériences plus traditionnelles de loisirs urbains comme le shopping, la visite d’un musée, une sortie au cinéma ou au restaurant.
Ces expériences peuvent être destinées à tous les « usagers » de la ville, de l’habitant qui cherche une sortie originale au touriste qui en trouve sur son parcours de découverte. La ville de Berlin compte par exemple cinq lieux dénommés « Midway Attractions » et exploitées groupe anglais de divertissement Merlin Entertainment : Little Big City (cité de miniatures), Legoland Discovery Center (palais des sciences ludique), The Dungeon (maison des horreurs), Madame Tussaud (musée de cire) et Sealife (aquarium).
Loin d’être opposés, ces deux tendances « parc-ville » et « ville-parc » sont tout à fait complémentaires entre elles et s’ajoutent même au seuls « parc » et « ville », selon l’expérience que l’on recherche, depuis la brève sortie jusqu’au week-end complet.
Vers des villes d’attractions ?
L’idée très plaisante de lieux de loisirs très divers disséminées dans la ville conduit au concept d’Attractions Urbaines caractérisées comme suit. Elles ont pour point commun d’assurer une fréquentation optimale par tous type de publics pour l’accomplissement d’une expérience et non pour l’acquisition d’une marchandise ou d’un service. Elles peuvent néanmoins être très différentes les uns des autres, tant dans leur taille, leur forme, leur emplacement et, bien sûr, que leur contenu. Sur ce dernier point, l’imagination des spécialistes n’a pas de limite !
La seconde partie de cette publication permettra de comprendre la réalité de ces lieux urbains bien particuliers, les voies par lesquelles ils s’implantent déjà ou ils s’implanteront bientôt, ce qu’ils sont en mesure d’apporter à la ville et conclura sur le besoin de mieux les comprendre et les cerner pour leur faire toute la place qu’ils méritent !
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