L’urbanisme tactique peut-il sauver les petites et moyennes villes françaises ?
Véritable symbole de la fracture territoriale qui secoue notre pays, les petites et moyennes villes françaises font l’actualité. Après une bonne décennie de déclin, elles demeurent, pour une partie, en proie à la déprise commerciale de leur centre-ville ou à la vacance de leurs logements situés dans un bâti ancien de plus en plus dégradé… « Action Cœur de Ville », « Opération de revitalisation des territoires », « Petites villes de demain », sont autant de programmes institutionnels, ou de dispositifs législatifs mis en oeuvre par l’Etat pour travailler à un rééquilibrage entre les métropoles et les autres villes plus modestes.
Outil idéal pour reconnecter les habitants à leur territoire, l’urbanisme tactique ou acupuncture urbaine pourrait constituer une solution alternative à ces multiples dispositifs plus ou moins complexes, dont les habitants et les élus pourraient peut-être plus aisément se saisir… Explications.
Au printemps dernier, en plein coeur d’une petite ville de province, à proximité de trois pâtés de maisons, dans une rue peu animée d’un quartier pas très branché, un groupe de résidents motivés et équipés de craie s’est attelé à remodeler l’espace public : en dessinant au sol des îlots piétons sécurisés, une piste cyclable et en installant du mobilier urbain fabriqué à base de vieilles palettes. Ce dispositif est resté en place quelques jours, le temps d’accueillir plusieurs performances d’artistes locaux mais au fond, quel était l’intérêt de tout cela ?
Actions ponctuelles et bénéfice durable
Une réaction courante vis-à-vis des projets d’acupuncture urbaine. L’objectif étant d’apporter des petites améliorations temporaires à n’importe quel espace public, afin d’encourager l’activité, d’attirer les gens ou de rendre un quartier plus accueillant. Le bénéfice s’appréciant sur le long terme.
Dans sa forme la plus basique, l’urbanisme tactique peut s’appuyer sur un simple dessin au sol, ou encore sur la construction de mobilier urbain à base de matériaux de récupération afin d’améliorer le confort d’un espace public ou susciter des rencontres et échanges. Dans sa forme la plus élaborée, il peut, par exemple impliquer des actions sur le commerce de proximité, en imaginant la transformation de magasins vides en « Pop’Up » store temporaires ou en travaillant sur des projets de vitrophanie etc.
Mais qu’est-ce que l’installation de mobilier de fortune, la réalisation d’un dessin à la craie ou l’habillage de vitrines vides peuvent-ils réellement accomplir ? Les projets d’urbanisme tactique ont l’intérêt principal de rassembler les gens, mais surtout d’ouvrir le champ des possibles, de tester des idées et d’inspirer un changement permanent. C’est bien ce dernier point qui semble essentiel.
Faire la ville autrement
L’un des plus grands obstacles à l’évolution en matière d’urbanisme réside en la difficulté qu’ont les gens d’un même quartier à échanger. La peur du changement est un frein récurrent. Or, à travers ces projets ponctuels, l’urbanisme tactique rassemble et amène les habitants à réaliser qu’ils partagent très souvent des objectifs communs ce qui peut permettre de faciliter l’évolution des usages et la transformation de l’espace public. .
L’urbanisme tactique a le mérite d’impulser une dynamique de projet à moindre coût. Or c’est souvent ce qui peut faire défaut dans les petites villes et autres villes moyennes qui font face à de multiples problématiques. Le coût du renouvellement urbain étant par exemple un frein très important. Souvent, les équipes d’élus se retrouvent très vite découragées face à des bilans d’opération déficitaires et face à l’ampleur de la tâche à mener. Afin d’impulser une dynamique positive de renouvellement de la ville, il y a nécessité d’un réel partage de compétence entre les différents acteurs de la ville. L’urbanisme tactique a le pouvoir de rassembler des compétences diverses autour de projets ludiques positifs et inédits. On ne fabrique plus la ville entre technicien mais bien avec et pour les habitants.
Ouvrir le champ des possibles
L’acupuncture urbaine ouvre le champ des possibles. Les développeurs de logiciels ou de jeux-vidéos testent ainsi leurs nouvelles fonctionnalités via des phases « Beta ». L’objectif étant de soumettre les modifications envisagées à un petit groupe de personnes pour voir si elles valent la peine d’être pérennisées. Appréciez vous ces modifications ? Que faudrait-il améliorer ? etc. Si les testeurs répondent positivement, l’entreprise applique les changements pour tous les autres utilisateurs du produit. En revanche, si les réponses sont négatives, l’éditeur revoit sa copie afin d’apporter des améliorations. Ce processus permet de ne pas gaspiller d’argent public pour quelque chose qui ne serait pas utile ou peu apprécié
L’urbanisme tactique applique ce même principe à l’espace public. Plutôt que de démolir tout l’asphalte d’une rue pour reconstruire un type de chaussée complètement différent, les efforts d’acupuncture urbaine utilisent des moyens temporaires et peu coûteux pour changer subtilement l’apparence et le ressenti de l’aménagement d’un espace public. Et ce pendant une courte période. Si les habitants apprécient les changements, tant mieux! Peut-être seront-ils bientôt appliqués de manière permanente. A contrario, si ceux-ci n’aiment pas les modifications envisagées, ou ont des suggestions positives sur la façon dont elles peuvent être mises en œuvre, c’est également une bonne chose : des millions d’euros n’auront pas été gaspillés sur un changement permanent et d’autres tests pourront être réalisés pour trouver une meilleure conception, appréciée de tous.
Dans les petites villes ou autres villes moyennes où il est si difficile d’impulser une dynamique de renouvellement urbain, les efforts en matière d’urbanisme tactique pourraient ainsi constituer des solutions non négligeables ayant un réel impact durable sur la transformation des territoires. Ces ajouts progressifs et subtiles ont le pouvoir de redonner vie à certains quartiers délaissés, à certaines villes en déperdition, sans être particulièrement coûteux ou difficile à mettre en oeuvre. L’urbanisme tactique est accessible à tous et il pourrait constituer un préalable non négligeable à toute opération de reconquête urbaine. En France, cette pratique est pourtant peu courante, a contrario des Pays d’Amériques Latine, où les exemples sont légions.
Source : Strongtowns.org
3 Commentaires
Il me semble que Time Square a été réaménagé de cette façon! Des tests, une dizaine de transat et on montre directement ce que pouvait etre la pietonnisation du lieu et ses impacts sur la circulation.
[…] Face à cela, de nombreuses municipalités ont pris la décision de fermer des routes et de requalifier l’espace au profit des piétons et cyclistes. Cela est notamment le cas dans les grandes villes comme Denver, Washington, New-York, Philadelphia et Berlin mais aussi d’autres villes françaises qui emboîtent le pas sur ce qui semble être une évidence. L’AVB n’a pas attendu de voir ce que feraient les voisins et a directement interpellé la municipalité pour que Besançon fasse également partie de cette liste qui tend à s’allonger. Ce type d’action fait écho au concept d’urbanisme tactique où il est questionné la propriété de l’espace public. L’urbanisme tactique favorise l’appropriation de son environnement par les communautés locales en vue d’établir des solutions adaptées aux situations. Cette fluidité constitue un des piliers de l’urbanisme transitoire où un lieu est redynamisé en réponse aux besoins. C’est un outil idéal durant une période instable où les mœurs et usages fluctuent rapidement puisqu’il permet non seulement de pousser les acteurs locaux à se réapproprier leur environnement mais aussi d’ouvrir la voie à l’innovation par la mise à l’épreuve de nombreux modèles pas toujours pertinents. […]
[…] Source : L’urbanisme tactique peut-il sauver les petites et moyennes villes françaises ? – UrbaNews […]