Quelle est la valeur de votre trottoir ?
A travers plusieurs billets datant de 2020, sur l’impact de la crise sanitaire, nous avons aisément pu démontrer que l’espace public endossait une valeur tout à fait stratégique. (Nous en étions pleinement convaincu bien avant la COVID-19)
En quelques mois, aux yeux de tous, la rue est notamment devenue une ressources clef pour les piétons, les automobilistes et pour tous les opérateurs qui y exercent leur activité. Cette période si particulière a donc fini de promouvoir l’espace public comme un véritable gisement de valeur dont il convient d’assurer la gestion.
On assiste ainsi outre atlantique à l’émergence progressive de nouvelles professions dévolues corps et âme à la gestion de ces espaces. Manager de trottoir (En Anglais « Curb Manager ») serait-il le nouveau métier en vogue ?
Surfant sur cette tendance, la Startup américaine Coord, fondée en 2016 et notamment soutenue par l’Alphabet’s Sidewalk Labs a imaginé un « Curb Index » qui permettrait de mesurer la valeur du trottoir.
Objectif : aider les décideurs publics à allouer l’espace correctement. L’affectation des ressources liées à l’espace public peut effectivement s’avérer complexe lorsqu’il s’agit de répondre à l’opportunité et aux demandes directes des citoyens. Et ce, d’autant plus, avec la diversification des fonctions urbaines.
On imagine très bien des besoins opposés en matière d’occupation de l’espace public, entre les clients d’une laverie automatique, d’un restaurant, d’une épicerie ou des familles qui viennent d’emménager dans un quartier. Quelle que soit la manière dont répondra l’autorité locale à ces différentes demandes, il n’y aura de toute façon probablement pas assez d’espace pour satisfaire tout le monde.
Hiérarchiser les besoins à l’aide d’un index
La Ville de Seattle s’est doté d’un outil tout à fait similaire au « Curb Index » afin de prioriser les besoins pour le trottoir en fonction des typologies de zones : à vocation majoritairement résidentielle, à vocation majoritairement mixte et commerciale ou à vocation industrielle. Pour chacune de ces typologies, la ville a ensuite mis en œuvre une hiérarchisation des modes d’utilisation du trottoir, des plus prioritaires aux moins importants. On note que pour Seattle, la thématique modale reste prioritaire quelle que soit la zone.
Dans la même logique, la municipalité de San Francisco a récemment publié une stratégie de « Curb Management » qui priorise les fonctions du trottoir par rapport aux différents secteurs de la Ville.
Trois critères pour évaluer le « Curb Index »
Un peu comme pour les « Walk Score »qui permettent d’évaluer dans quelle mesure un quartier serait favorable aux piétons, le « Curb Index » proposé par Coord permettrait d’évaluer la cohérence entre les besoins et l’utilisation réelle du trottoir dans un quartier donné.
3 notes principales composent cet index :
- Fonctions de l’espace public à destination directe des habitants : Curb Index P pour « People ». Cette notation regroupe notamment la présence de stationnement pour vélos, les stations de vélos en libre-service, les arrêt de bus, les espaces de covoiturage, etc.
- Accessibilité pour les Commerces : Curb Index C pour « Commerces » où l’on vise les zones de livraisons et plus généralement tout ce qui permettrait de faciliter le fonctionnement des commerces etc.
- Qualité des commodités diverses de l’espace public : Curb Index A pour « Amenities » où l’on intègre tout ce qui contribue à la qualité de la rue avec par exemple les bancs, la végétation etc.
La valeur du « Curb Index » est ensuite calculée individuellement, par quartier, pour chacun des 3 paramètres. On regardera, par exemple, la distance nécessaire depuis un îlot d’habitation pour atteindre un des usages rattaché à chaque critère : la distance pour atteindre un arrêt de bus ou une station de vélo, la distance à laquelle se situe une zone de livraison pour les commerces, ou la qualité des espaces publics environnant.
L’étape suivante pour déterminer la valeur globale du trottoir au regard de l’index consiste à croiser ces données avec les besoins, en mesurant par exemple la densité de population, la densité commerciale etc. Pour atteindre le même niveau d’index, une zone plus dense aura par exemple besoin de plus d’équipements qu’une zone moins peuplée.
Enfin, la dernière phase consiste à déterminer la disponibilité de l’espace en rapport avec les différents usages priorisés précédemment. La « data » disponible pour cette dernière étape n’est toutefois pas évidente à mobiliser.
Que faire de ce « Curb Index » ?
Le « Curb Index » apparaît comme un outil d’aide à la décision, donnant une valeur à l’espace public en fonction des besoins et du contexte. La variable d’ajustement principal permettant d’augmenter la valeur de cet index étant ni plus ni moins que l’aménagement de l’espace public.
A la manière de Seattle ou San Francisco citées précédemment, chaque ville gagnerait à s’approprier cette idée d’un index dédié à la classification de ses espaces publics.
L’objectif est surtout d’interpeller les décideurs publics sur les orientations à prendre par rapport à la gestion active de cette ressource rare que constitue désormais le trottoir, ou plus généralement l’espace public.
Il convient toutefois de ne pas négliger la nécessité de confronter ces différentes données à la réalité du terrain. Aucune note ne pourra remplacer la relation de terrain entre urbanistes, décideurs publics et habitants lorsqu’il s’agit de concevoir ou d’adapter l’espace public. Quid d’un index participatif alimenté par les habitants eux-mêmes ?
Quoi qu’il en soit, nous sommes curieux d’observer comment cette nouvelle matière trouvera écho dans nos métropoles. L’agence de conseil Ibicity a d’ores et déjà eu l’occasion de travailler sur le sujet à travers une démarche prospective pour la Métropole de Lyon que vous pouvez consulter en suivant ce lien.
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